A young girl waiting on the edge of a small port... (pv: Azhdar) NT

Demeure des Nightspear [Dédoublement]

Jamais je n'arriverais à apprécier ce paysage. J'avais beau revenir ici chaque jour lorsqu'il m'arrivait d'en avoir le temps, jamais je n'ai aimé ce panorama qui s'offrait à mes yeux.
L'onde agréable de la mer qui s'échouait sur la grève pouvait être agréable certes, mais il était si tôt couvert par le bruit ambiant qui m'entourait.
Mes yeux avaient beau se focaliser sur les lignes escarpées des deux falaises à l'horizon, je ne pouvais pas rester imperméable à l'activité perpétuelle autour de moi. L'horizon, quand à lui, défilait entre ces bras de pierre emmergeant des flots, laissant sa ligne azurée m'offrir la vision d'un ciel et d'une mer qui se confondaient. Je préférais ce spectacle à celui de ce minable village de pécheur... "village", mais vu son ampleur et son activité, certains de ses habitants osaient l'appeler ville.
Comme si une dizaine de bicoques en brique pouvaient revendiquer le nom de ville... Peut-être la pauvreté du lieu me donnait plus de matière à penser que ce lieu était vriament misérable.
Mais contre toute attente, ce lieu était le seul endroit connu de l'île où l'on pouvait accoster sur Tochi. Bien qu'il me paraissait for étrange que cette crique soit l'entrée unique de ce petit archipel. Mais cette question m'importait peu, j'étais là pour affaire seulement. Et cette affaire m'impatientait au plus haut point...

Assise pensivement sur l'un des murets qui ceignait le port, j'évitais le plus possible de croiser le panorama déprimant de cette ville. Préférant me concentrer sur le long quai de bois flotté qui avait la place suffisante pour acceuillir au moins deux navires de bon tonnage.

-Quel ennui, soufflais-je.

Mes deux gardes du corps ne cherchèrent pas à me répondre. Ils savaient ce qu'ils encouraient s'ils m'adressaient la parole sans mon autorisation. Et leur rôle était d'abord de me protéger et d'écarter les possibles passants trop collant, ils n'avaient pas à me tenir compagnie d'aucune sorte.
Je levais les yeux vers le timide soleil. Sa face éclatante cachée dans un voile nuageux.

-Espérons que le navire arrivera bien assez tôt aujourd'hui... Je n'aimerais pas revenir à nouveau les mains vides...
Si seulement il pouvait y avoir un peu d'animation...

Toujours effervescence, le port était un de ses endroits qui ne dormait jamais, le jour se déroulaient les activités tout public, commerce principalement mais la nuit se déroulaient des faits bien plus illicites d’un point de vue moral, vente d’esclave, prostitution voire pire… Perché en haut d’un toit, Azhdar regardait cette fourmilière humaine grouillante, d’une certaine façon ils étaient tous esclaves de quelque chose, les riches comme les puissants. Tels les maillons d’une chaine alimentaire bien huilée avec l’expérience des années, chaque âme appartenait à une catégorie qui avait un prédateur, les prédateurs ayant eux même leur prédateur et ainsi de suite. Finalement deux options se présentaient pour avoir un semblant de liberté, ou il fallait être à la bonne extrémité de cette chaine, comme le roi par exemple, ou il ne fallait pas en être du tout…

Le jeune homme ne loupait vraiment rien, en particulier la Nushi qui semblait s’ennuyer fermement dans cet endroit décidément pas assez côté pour elle. Cette singularité amusa Azhdar qui émit un petit sourire et il décida d’aller voir ce qui se passait. Il descendit avec agilité de son perchoir. La demoiselle était probablement là pour s’acheter des esclaves. Même si il trouvait cela assez injuste, ce n’est pas à la nushi qu’il en incomba la faute, les esclaves n’étaient finalement esclave que de leur volonté, la liberté avait un prix et il fallait avoir un peu de force et de courage pour la défendre.

Azhdar avança droit vers sa cible, toujours en prenant soucis de se mettre dans le sens contraire de celui du vent, pour masquer son odeur. Même si cela semblait un peu assassin, le loup n’était pas en chasse, il voulait juste secouer une bien étrange créature du bout de sa truffe. Une fois qu’il fut assez près pour être entendu il s’adossa contre un mur et entama de façon simple et concise :

« Belle journée n’est ce pas ? Si je puis me permettre, que fais une dame de votre envergure dans un endroit aussi impropre ? »

« Belle journée n’est ce pas ? Si je puis me permettre, que fais une dame de votre envergure dans un endroit aussi impropre ? »

Tirée de ma contemplation, je me redressais doucement , tendant le cou et m'autorisant un regard dans la direction de cette voix sortie de nulle part. A quelques mètres de moi, j'y trouvais la silhouette élancée d'un jeune homme adossé contre un mur.
Un simple coup d'oeil à son allure et je devinais qu'il n'était pas un habitué de l'endroit. D'habitude, les gens des environs se classaient en deux catégories: les habitants loqueteux et emmitouflés dans leur pauvreté, et de l'autre, les riches acheteurs qui avaient su flairer les bonnes affaires venues d'outremer.
Mais cet homme n'avait rien à voir avec l'une ou l'autre de ces catégories. D'une: il n'avait pas le même regard que les gens d'ici, lui possédait une lueur prédatrice que les êtres qui peuplaient ce patelin n'avaient plus depuis longtemps. De deux: il n'avait vraiment pas l'attitude ni l'apparence d'un simple acheteur, et au fond de moi, je ne ressentais pas la présence d'un Nushi en lui.

*Hum... Un outsider. Intéressant*

Mais si cet inconnu avait attiré mon attention, il l'avait aussi attiré celle de mes chiens de gardes. Main posée sur leurs armes respectives, ils bombèrent le torse pour se faire le plus imposant possible.

-Passe ton chemin, mendiant.

Alors que l'un d'eux s'apprêtait à lui admonester une violente tape pour l'écarter du chemin... je déposais ma main sur son avant-bras, le stoppant net.

-Allons, mes chéris, laissez-le. Il semble avoir plus de manières que les créatures qui peuplent ce trou perdu. Au moins il ne m'a pas encore demandé la charité. C'est une preuve de bonne manière.
Faisons de même.

Comme deux chiens bien dressés, mes gardes du corps s'effacèrent presque aussi rapidement qu'ils avaient réagi à cet intrus. Sans pour autant cesser de le surveiller. Il avait beau être armé, je ne risquais rien... enfin, en étais-je persuadée.
Je posais mes yeux émeraude sur le jeune homme en face de moi.

-Veuillez excuser mes mignons, ils ont pour consigne de ne laisser aucune personne suspect m'approcher. Et malheureusement, vous semblez répondre à ces critères.

Mon sourire ne se fit que plus large encore tandis que je cherchais à lui répondre.

-La belle dame que vous voyez est ici pour affaire. Et cette journée risque bien de ne pas être bien belle si je me vois contrainte de revenir les mains vides.
Mais à qui ai-je l'honneur de parler? Votre visage ne m'est guère familier.

*Et vous, vous n'avez vraiment pas l'air d'un seigneur... A savoir qui a l'honneur de rencontrer qui...*

Azhdar sourit doucement, la demoiselle avait soulevé un point juste et il n'était guère surprenant que les deux gardes du corps fassent sentir leur présence. Malgré tout, il n'eut aucun geste menaçant, il se déplaça de manière tout aussi douce. Les deux gardes du corps ne le dérangeaient pas trop, il en avait corrigé de plus sévère, en revanche, mettre en situation désobligeante une dame était d'une rare incorrection.

"N'ayez crainte, je ne suis pas ici pour vous nuire de quelques manières que ce soit..."

Azhdar posa sa main au niveau du tatouage en forme de coeur et s'inclina:

"Les gens d'ici me connaissent sous le nom d'Azhdar, je me contente d'être le témoin de cette étrange situation noble dame, j'entends par là que cette île et cette époque sont propices à tous les changements."

Azhdar avança et regarda la mer:

"Si vous attendez le navire marchand, je crains que cela ne soit en vain, il a coulé à la suite d'une météo particulièrement violente, la totalité de l'équipage ainsi que la cargaison ont été perdues..."

Le jeune loup observa un peu plus longtemps son interlocutrice, elle avait l’air d’être de celle que l’on appelait Akuyô. Il était rare d’en voir qui se déplace encore en personne. Il reporta son attention sur les deux gardes du corps. Bien souvent il était possible d’avoir une idée de l’envergure d’un seigneur en étudiant sa garde personnelle. La musculature de ses derniers semblait bonne, leur pas était assuré, ils devaient être bien entrainés, pour des serviteurs bien entendu…

« Il serait dommage de perdre le profit d’une journée pareil, puis-je vous aider d’une manière ou d’une autre ? »

*Azhdar...*

Fouillant au plus profond de ma mémoire, je cherchais à tirer le bout de ficelle qui était acollé à ce nom. La sonorité me rappelait quelque chose. L'avais-je entendu quelque part? Non il ne me semblait pas...
Pourtant, au fond de moi, je pouvais sentir cette étrange sensation me titiller. Comme si mon instinct avait su déceler quelque chose sans que mon esprit n'ait réussi à mettre le doigt dessus. N'avais-je vraiment jamais entendu ce nom mentionné? Ou alors m'avait-on parlé de lui? L'avais-je oublié?

C'était fatiguant de se remuer les méninges ainsi. C'était comme si un chien se mettait à courir après sa queue sans jamais avoir la moindre chance de l'attraper. Décevant.

*Tant pis. Si c'était important, je l'aurais forcement retenu...*

"Si vous attendez le navire marchand, je crains que cela ne soit en vain, il a coulé à la suite d'une météo particulièrement violente, la totalité de l'équipage ainsi que la cargaison ont été perdues..."

A cet instant, jamais le vent n'avait chanté si distinctement autour de moi. Comme si la danse des vagues avait préféré continuer de se balancer au rythme du silence. Rien ne me parvenait du monde extérieur, il n'y avait que cette surprise mêlée d'incompréhension qui embuait mes sens.

-Non...

Mais si ma voix avait pu dépasser mes lèvres, elle n'aurait ressemblé qu'à un miaulement exténué et quasi-inaudible. Il y avait des moments où la solitude se faisait sentir, j'en avais vécu d'assez mémorable... mais rarement de si intense...
Sauf qu'il y avait parfois des notes d'espoir:

« Il serait dommage de perdre le profit d’une journée pareil, puis-je vous aider d’une manière ou d’une autre ? »

Peut-être qu'à cet instant mes yeux pétillèrent d'étoiles, mais je n'en avais cure. J'avais peut-être trouvé la solution pour rompre cette accumulation de malchance. Mon sourire précéda mes paroles.

-C'est si gentiment proposé que ce serait une honte de ma part de refuser votre aide, messire.
Cependant, j'hésite à vous en faire la demande. J'ai bien trop peur que ce soit vous qui refusiez.

Je me retournais vers mes deux chiens de garde, évitant soigneusement de croiser le regard de mon interlocuteur. D'un pas mal assuré et emmitouflée dans les plis de mon kimono, je m'approchais du bord du quai, me laissant bercer par la fraîche brise marine.

-Et puis... Je doute que... Même si vous semblez plutôt...
Enfin...
Non, oubliez donc. Même pour vous ce serait impossible. Je me débrouillerai avec mes utsuwas, eux sont suffisamment aguéris pour accomplir ce genre d'exploit.

Troublée, c'était le mot qui définissait le mieux la jeune femme à cette instant. Apprendre la disparition de la cargaison lui avait fait un choc, cela se voyait et elle semblait être dans l'embarras le plus certain à cause de cela. Quand cette dernière hésita Azhdar posa son regard blanc dans celui de la jeune femme afin de sonder son âme un instant.

"Vous me semblez mal à l'aise, je ne voulais en aucun cas vous mettre dans cette état. Etes vous vraiment sure que je ne puisse vraiment rien faire pour vous? Je suis seul et personne ne m'attends, par conséquent je pense que j'ai un peu de temps à vous accorder. Toutefois, je ne vous forcerai pas la main, je pense que vous savez parfaitement ce que vous faites après tout..."

Azhdar ne savais pas si il avait tout formulé correctement, faire des phrases compliquées pour dialoguer un peu normaleent avec ce type de personne était tojours contre nature pour lui qui était un anti conformiste doublé d'un rebel. Cependant, il ne le savait que trop bien, il était bon parfois de se plier aux règles protocolaires, le monde était ainsi.

Azhdar reporta son regard sur les deux gardes du corps qui paraissaient genés. De ce qu'il pouvait déceler, c'était ses yeux sans pupilles visibles, donc entierrement blancs qui leur posait problème. Cela pouvait se comprendre, il savait mieux que quiquonque que tout se lisait dans le regard or la, comme il n'y en avait pas vraiment... Azhdar inclina la tête sur le coté tout en croisant les bras. Il huma un petit peu l'odeur de ses deux la et y perçu une légère transpiration, mélange de peur et d'appréhension. Visiblement il n'était pas sereins en sa présence et ils mettaient d'ailleurs un point d'honneur à toujours se mettre entre lui et sa maitresse. Le jeune homme sourit, cela ne servait à rien mais c'était déja cela, et c'était un gage de leur dévotion...

"Allons noble dame, pour vous, la vie est sans impasse, au mieux il n'y a que des détours quand on est bien née. Regardez ces pauvres gens, ces faibles accablés par la fatalités et trop faible pour défendre leur droits, eux peuvent se lamenter de leur sort..."

*"Seul", "personne ne m'attends"... Mais c'est parfait !*

Décidemment, la providence faisait bien les choses. Un homme seul, sans attache, libre comme l'air et qui vous propose ses services gratuitement... sur Tochi? Mais c'était une perle rare ! Ce genre de d'être ne se voyait plus depuis des siècles sur cette île... ou alors ces personnes ne survivaient pas longtemps face aux autres habitants de Tochi -eux, plus enclins à vous détrousser et vous oter la vie à la moindre faiblesse...
A moins que cet homme fut spécial...

*Et si j'avais affaire à un Utsuwa? A-t-il un maître? Ou peut-être est-il simplement libre... Ce serait trop beau.*

J'avais raison: il fallait en profiter.

-Si j'ai foi en ce que vous dites, maître Azhdar, je pense suivre votre conseil.
J'ai bien l'impression que je n'ai pas croisé votre chemin par hasard, et si vous insistez pour m'aider, je me ferais un plaisir de suivre ce détour dont vous parlez.

Je posais sur lui deux yeux reconnaissants, joignant mes mains devant mon visage pour cacher ce sourire hypocrite qui s'élargissait sur mon visage. Oui, j'allais pleinement en profiter...

-Mais avant cela, il faudrait que nous trouvions une embarcation solide pour notre petit équipage. Savez-vous à qui nous pouvons nous adresser pour en trouver dans ce...cette charmante bourgade?

Une femme qui cachait un sourire n’augurait rien de bon en général, pour cela il décida de rester sur ces gardes, sait-on jamais… Pour ce qui s’agissait de l’embarcation Azhdar avait une idée, il allait « emprunter » une embarcation à l’une des nombreuses guildes de pêcheur de la région. Ces dernières étant rivales, elles allaient d’abord se taper dessus avant de mettre en place un plan de recherche et d’investigations sérieux. Quand cela serait le cas, ils seraient déjà loin… Azhdar ne manqua pas de faire par de ce plan aussi simple qu’efficace à son interlocutrice.

Ces bateaux n’étaient pas très luxueux certes, mais ils étaient fiables, solides, biens conçus, confortables et discrets, cela conviendrait donc à ce qu’il pourrait éventuellement en faire. Le jeune homme ne connaissait rien encore à ce qui l’attendait, pour le moment, seule la gente dame savait ce qu’il fallait faire.

« Bien si cela vous convient je propose que nous discutions sérieusement de ce que vous comptez faire et quand cela sera clair, je vous propose d’attendre la nuit pour pouvoir opérer. »

Azhdar planta ses yeux sans pupilles dans ceux de la demoiselle, et inclina la tête sur le côté. Visiblement la belle avait quelque chose en tête et il avait hâte de savoir quoi, que cela soit bon ou mauvais, car cela sentait le sang et le mettait en appétit.

J'écoutais avec intérêt le plan imaginé par ce jeune homme. Et je devais bien me l'avouer, je n'aurais certainement pas pensé à l'idée du vol. Et surtout pas de nuit.
Non, en tant que Nushi, si je désirais quelque chose, je m'en emparais. Soit par le troc, pour paraître convenable ou civilisée, soit par le vol par réquisition musclée. D'où l'interêt d'avoir quelques gros bras autour de soi.
Mais l'idée du vol de nuit ne m'aurait jamais effleuré l'esprit. C'était bas, vil et une perte de temps incroyable !
En somme, c'était exotique et étrangement tentant.

*Quelque chose d'assez excitant, finalement.*

Oui, je dois avouer que j'étais bien tentée par cette expérience nocturne.
Après tout, la nuit viendrait vite. Cependant, un soucis demeurait: on aurait besoin de lumière dans ces abysses. Abysses? Ah oui ! Il faudrait peut-être lui poser un mot au sujet de ma petite entreprise.

-Si nous devons parler de notre petite sortie nocturne, autant le faire tout de suite. Comme ça, nous serons plus à même de lister le matériel qu'il nous faut.

Saura plongea à son tour son regard dans celui d'Azhdar. Bien qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de croiser un regard sans pupille, elle fit de son mieux pour ne pas ciller. Qu'il était dur de chercher un regard qui ne vous apparaissait pas.

-Le bateau qui devait revenir de l'extérieur transportait une cargaison très importante... qui m'était destinée...

*Ou destinée au plus offrant, mais qu'importe... il n'a pas besoin de le savoir.*

-Et j'ai dans l'idée que vous et moi, pourrions récupérer ce colis dans l'épave du navire. Vous étiez au courant de son naufrage avant quiconque dans cette ville, alors j'ose imaginer que vous connaissez approximativement l'endroit où le navire a fait naufrage. Et grace à vous et aux talents de mes gardes du corps, je pense, je suis même persuadée que nous pourrions facilement réussir cette entreprise.
Je serais prête à vous récompenser très généreusement si l'affaire est menée à son terme le plus favorable.