-Manoir de la famille Nightspear- {Pv privé: Yûteki}

Marcher en aveugle était décidemment plus compliqué qu'il ne l'avait tout d'abord cru.
D'abord il ne voyait strictement rien, ce qui paraissait être le principe, deuxièmement, marcher à reculons, même guidé par quelqu'une, se révélait tout aussi difficile, mais le piré était de se laisser guider volontairement et en toute confiance.
Ce que le paon avait du mal à accorder à n'importe qui. Et même si Saura était sa maîtresse, et qu'il aurait donné sa vie pour elle, Yûteki ne se sentait pas l'envie de se voir ôté la vie par cette même personne.

*clack*

Le maillon se referma sur son poignet avec une morsure glacée. Cette sensation glaça Yûteki jusqu'au sang.
Mais très étrangement, il pressentait que son sang allait bientôt se rechauffer...
Yûteki tira fermement sur la chaîne pour en tester la solidité... AÏE! Foutrement solides ! Et depuis quand avait-on installé des barbelés à l'intérieur des menottes?!

Une subite illumination voulut que le jeune utsuwa se rendit compte de la différence de point de vue qu'il pouvait y avoir entre le bourreau et la victime. Et des différences pas négligeables !

-Un petit verre ne serait pas de refus.

Autant tomber dans un coma éthilique, ça atténuerait la douleur... Il risquait certes de ne pas se réveiller, mais Yûteki préférait courir le risque.

Hrp// Tu m'as fait attendre, you failure ! >w<

Je souriais.

-Quel hôte détestable je fais ! Je t'en sers un tout de suite !

* Mais avant... *

Avec fermeté j'empoignais le bras libre de Yûteki et l'enserrait dans la dernière menotte pendant du plafond. Il ne faudrait pas que mon jouet du moment s'échappe par caprice. Il m'était déjà arrivé la même chose avec un canari, il y a de ça quelques decennies. Je l'avais laissé sortir de sa cage en laissant ma fenêtre ouverte. Je me rappelle encore avec quelle sottise je m'étais dis que mon oiseau reviendrait...Mais il n'est jamais revenu. Depuis, j'ai toujours pris soin de leur arracher les ailes avant d'ouvrir la cage. Finalement, il n'y a rien de plus efficace.

Pendant cinq secondes, je quittais Yûteki, allant jusqu'à la coiffeuse où attendaient patiemment ma bouteille et mon verre. Je récupérais ce-dernier, déjà à demi-plein, et le rapportais à mon utsuwa avec un dandinement de petite fille.
Il n'y avait que dans ces moments-là que je me sentais rajeunir.

D'un doigt délicat, je caressais les lèvres de Yûteki, lui intimant d'ouvrir la bouche. Lorsque ses lèvres s'entrouvrirent, je passais le verre à sa bouche et le fit boire à petite gorgée. A croire que je donnais la béquée à un nourrisson ! Quel comble.
Et il n'allait tout de même pas me ravir mon délicieux nectar qui plus est !
Tandis que je le voyais boire d'un trait mon verre d'hypocras, il me prit l'envie de le lui retirer, mais un autre éclat grenat attira mon attention.
Le sang coulait le long du bras de Yûteki... Son poignet déchiré par les barbelés qui ceillaient l'intérieur des menottes.

Pendant trentes bonnes secondes, je regardais le fluide vital couler avec délicatesse sur sa peau blanche, décrivant des sillons de la plus belle calligraphie qui me fut donné d'observer. Lorsque la trace atteignit finalement ma hauteur, je tendais le doigt et interceptais la goutte qui guidait la marche de cette caravane rougeoyante.
Heureusement que Yûteki avait les yeux bandés, sinon il aurait pu voir le regard de désir qui traversa mon visage tandis que j'écrivais sur son bras en usant de mon doigt comme d'une plume et me servant de son sang comme encre: "Mine".

Le verre que je tenais entre les doigts me glissa des mains et se fracassa au sol tandis que j'empoignais l'avant-bras ensanglanté de Yûteki. Un simple coup de langue effaça ma calligraphie rudimentaire. Comme à chaque fois que je me livrais à ce petit jeu, ça n'avait pas le simple goût ferrique que le sang avait en temps normal, non c'était bien plus excitant. A cet instant je pouvais sentir une explosion de saveurs pétillant sur mon palet, un véritable feu d'artifice de sensations courrait sur mes lèvres.
C'était exquis !

Hrp// *révérence* J'aime me faire désirer. x)

*Mince*

Si Yûteki avait eu envie de fuir, il aurait probablement profité du moment où Saura se serait retournée pour lui servir un verre. La question de la solidité de la chaîne était encore à élucider, certes, mais le jeune homme était certain qu'en tirant suffisamment fort il aurait pu se libérer. Et si la chaîne avait été trop solide, au moins le plafond aurait pu s'effondrer!
Mais maintenant que le second maillon était noué autour de son autre poignet, la chose se risquait à être beaucoup plus compliquée...
La longueur des chaînes et la tension qu'elles exerçaient sur ses membres empêchaient dorénavant Yûteki de se servir de la force conjuguée de ses deux bras pour affaiblir l'une des chaînes. Mais ainsi, les deux bras presque en croix, l'Utsuwa n'avait plus guère d'espoir de se délivrer de ce guépier.

Le glougloutement lointain d'un verre que l'on remplit lui vint à l'oreille. L'arôme de l'hypocras commença à imprégner la pièce d'une douce odeur sucrée.
Yûteki se retint de sursauter en sentant la pression sur son visage, le bord du verre se glissa délicatement entre ses lèvres et le doux liquide coula le long de sa gorge.

*Je m'étais toujours demandé si je tenais bien l'alcool... et maintenant je prie pour être saoul au bout d'un seul verre !*

Mais il avait beau s'enfiler le contenu du verre en entier, malgré la chaleur qui coulait dans ses veines, il ne se sentait pas suffisamment pompette pour s'affranchir de la douleur. Avec cette dose, il aurait même réussi à faire le poirier sans trébucher une seule fois. Mais il sentait que ses perceptions commençaient doucement à somnoler: il n'avait remarqué le contact de sa maîtresse seulement après que celle-ci eut terminé d'écrire sur sa peau.
Mais le coup de langue passa moins inaperçu.
Yûteki aurait au moins voulu profiter de ce spectacle-là de ses propres yeux. L'Utsuwa aux cheveux blancs se réconforta en se disant que ses quatre autres sens étaient toujours opérationnels, au moins ceux-ci ne l'avaient pas privé de la sensualité de ce contact.

*Si ça pouvait n'être que ça.*

Cependant, tout au fond de lui, Yûteki savait que cette sensation de plaisir n'allait faire que s'amplifier au fur et à mesure que son sang coulerait. Mais ce ne serait que le prémice d'une douleur bien trop forte pour être supportée. Les limites du bonheur de Yûteki seraient visibles bien assez tôt...

Hrp// Tu n'es pas le seul à savoir te faire désirer. xP

J'en voulais plus. Cet entremet sanguinolent avait attisé ma faim et je ne pouvais pas me retenir plus longtemps.
M'armant de l'une de mes longues épingles à cheveux, je l'appuyais d'abord tendrement sur la peau dénudée de Yûteki. Et d'un coup sec et violent, je traçais un profond sillon dans la chair.
La peau fut tranchée nette, le long fil sanglant vomissant une quantité négligeable de sang le long du bras du jeune Utsuwa. En quelques secondes, son bras entier fut couvert d'un voile grenat et vint tacher le sol en entonnoir à nos pieds.

-Ahahahahaha ! Tu saignes si bien Yûteki !
Montre m'en plus ! Toujours plus !

Je laissais glisser mes lèvres jusqu'à la plaie ouverte. Le chaud liquide bouillona sous ma langue, coula sur mon menton pressé contre son avant-bras et alla glisser doucement sur ma gorge, suivant la pente délicate de mon cou. Mes incisives se refermèrent sur la lèvre inférieure de la plaie et déchiquetèrent d'un coup sec la peau qui me séparait de cette fontaine de vie.
Un geyser sanguin éclaboussa mes joues. J'étais en liesse. Ma poitrine battait la cadence d'un autre coeur, s'accordant à celui de ma victime. Chaque battement que son palpitant actionnait m'apportait une nouvelle vague de ce nectar.

*Et si je le faisais battre plus vite?*

Il y avait bien des manières et bien des instruments dans cette chambre. J'en faisais la liste dans mon esprit et laissais mon choix s'attarder sur les "poucettes". Non j'avais encore besoin des doigts de Yûteki pour autre chose... et puis comment tiendrait-il ses éventails si je les lui brisais?

-Je sais, attends-moi ici, j'ai ce qu' il faut dans ma commode.

Je laissais mon petit plaisir de côté, marchant sur les débris de verre sans me soucier de la douleur qu'aurait dû m'imposer ces tessons de cristal. J'étais trop envoutée par l'arôme ferreux. Je passais devant ma coiffeuse, me re-servait de mon Hypocras. Le goût du vin et du sang se mariaient à merveilles. Je fus comme prise d'un doux vertige, mais au moins mon corps savait ce que mon esprit commençait à oublier.
Sans un regard pour mon miroir, j'ouvrais le tiroir et farfouillait au hasard parmi les divers objets que j'y avais fourré au cours du temps.
Mes yeux se posèrent sans surprise sur mon reflet dans la glace. Un masque rouge couvrait la partie inférieure de mon visage. J'étais magnifique!

-Ah!

J'empoignais le manche de la lame sous mes doigts et l'extirpais de son sarcophage.

-Ce sera donc toi !

Je tins le petit couteau à la lame d'argent sous mes yeux. Il était d'apparence simple, presque rustique, il s'en dégageait plus précisemment un charme et une allure ancestrale de ceux d'un couteau voué aux anciennes cérémonies dédiées aux dieux nécrophages. Mais ce n'est pas tant l'aspect plutôt que la foule de souvenirs liée à celui-ci qui coupa court tout mon plaisir.

Yûteki se mordit violemment la lèvre inférieure lorsque l'aiguille zébra sa chair et la trancha nette. Cette petite coupure avait beau être superficielle parmi la longue liste de blessures qu'avait accumulé le jeune gladiateur au cours de sa vie, mais elle lui causait tout même une souffrance assez impressionnante.
Au fond de sa tête embrumée par l'alcool et la douleur, le jeune homme se prit à penser que la douleur était beaucoup plus supportable lorsque l'on ne l'attendait pas patiemment au bout d'une chaîne.
Tenir un éventail et défendre sa vie sur l'arène tout couvert de blessures était "normal" pour l'Utsuwa, c'était même plus agréable. Cependant, attendre avec patience et angoisse le prochain sévice qu'on allait lui infliger était définitivement moins attractif...

*C'est promis, si jamais je m'en sors vivant, je jure de ne plus me moquer des tortionnaires, ils font vraiment un super boulot !*

Des dents, la chair qui se déchire, un cri retenu s'ébroua au fond de la gorge du compétiteur. Sa lèvre laissa échapper une perle de sang.
Yûteki rejeta la tête en arrière, son souffle devenant de moins en moins espacé.
Il chercha à décrisper sa machoire en articulant quelques mots. Mais ses muscles étaient si contractés qu'il n'arrivait à rien. La sueur coula sur son front, humectant le tissu de soie noir qui lui recouvrait toujours les yeux.

*Si seulement je pouvais voir les coups venir... je suis sûr que je me sentirais moins tendu !*

C'était à voir...

-Ce sera donc toi !

A qui parlait-elle? Y avait-il une troisièeme personne dans la pièce? Hey! Et depuis quand Saura s'était éloignée de lui? Mince, il était si déconcentré que ça?
Si Yûteki avait eu une main libre à ce moment-là, il se serait frappé le front.

*Hey... ce serait pas... un peu trop silencieux?*

En effet, la chambre était aussi silencieuse qu'un caveau. Yûteki n'entendait plus rien d'autre que le souffle exténué de sa respiration. Saura était partie? Le laissant seul et enchaîné... et en train de perdre tout son sang par dessus le marché !
Accordez-lui un peu d'attention bon sang ! On oublie pas quelqu'un en pleine séance de torture ! Ce serait le comble.

-Saura? Hésita Yûteki d'une voix humble et entrecoupée. Tu es toujours là?

*Réponds-moi bon sang...*

Dans sa tête, Yûteki imaginait Saura en train de roder autour de lui avec la grace et la furtivité et la grace d'un félin, prête à bondir sur lui par surprise et lui enfoncer quelques objets bien traumatisants...
Non il n'avait pas peur !... juste quelques sueurs froides...

-Princesse?...

-Princesse?...

Je levais la tête. Absorbée par les souvenirs, je ne m'étais même pas rendu compte que je m'étais assise. La lame était toujours entre mes mains, sur le tranchant un sillon de sang séché m'adressait un long sourire qui me rappela à l'ordre.

*Pas tout de suite...*

Puis, d'une légère impulsion, je me levais de mon siège. Avec une lenteur décomposée, je rejoignais la forme enchaînée de Yûteki, serrant avec force le manche du vieil artefact de mon passé.
Je n'étais plus qu'à quelques centimètres de mon serviteur, son souffle chaud soulevant mes boucles rousses.
La lame semblait brûler au creux de ma paume.

Imitant les mouvements ondulants d'un serpent, ma main glissa le long de l'avant-bras de Yûteki. Mes mains tatèrent la menotte qui retenait son poignet. Mon ongle déclencha un subtil mécanisme et l'écrin de métal tomba, ouvert.

Yûteki saurait se défaire de la seconde menotte.

-Tu peux partir Yûteki, je n'ai plus envie de jouer...

Délaissant ma proie, je m'asseyais sur les draps de soie de mon large lit. Je m'allongeais, la tête entre les mains.

*Clic?*

Une des menottes venait de tomber, libérant l'un des bras du jeune compétiteur. Le membre tomba comme coupé de ses fils et vint se blottir contre l'abdomen de son propriétaire.
Avec une certaine surprise, Yûteki porta sa main libérée à son visage et arracha le voile noir qui lui couvrait la vue depuis le début.
Il vit alors sa maîtresse lui tourner le dos, un étrange coutelas à la main.

-Tu peux partir Yûteki, je n'ai plus envie de jouer...

Avec une maladresse qu'il ne lui connaissait pas, Yûteki la contempla s'allonger sur le dais de son lit à baldaquin, les mains portées aux visages dans un signe évident de fatigue -ou de colère?-.
Le jeune homme ne dit tout d'abord rien, préférant livérer au plus vite son second poignet qui, lui, saignait comme une rivière. Il ne sentait plus aucune sensation, si ce n'est la douleur sourde qui lui battait aux tempes et excitait chacune de ses cellules nerveuses.

*Saura ne souhaite plus me voir... je ne sais pas si je dois considérer ça comme une opportunité à saisir.*

Tout esprit normalement constitué se serait enfui de cette chambre des tortures, surtout si celle-ci venait tout juste d'être repeinte avec son propre sang ! Mais Yûteki ne pouvait décrocher son regard de la forme prostrée de sa maîtresse.
Avec toute la furtivité et le silence d'un félin, il s'approcha d'elle, contournant les tessons de verre brisé et les flaques suintantes de son sang.
Lorsqu'il fut à hauteur de Saura, il s'agenouilla au pied du lit et prit délicatement les pieds d'ivoire de la jeune femme entre ses mains.
Il crut sentir un spasme de surprise traverser ceux-ci,mais il baillonna les deux petons récalcitrants avec toute la douceur et la fermeté dont il pouvait faire preuve.

-Je n'ai certainement aucune connaissance en médecine, mais il m'est avis que laisser des morceaux de verre sous la peau n'est pas conseillé à long terme...

Sa réplique lui parut toute innocente à ses oreilles, mais avec une concentration et une délicatesse minutieuse, il chercha les tessons de verre fichés dans la chair et les retira un à un.
Les plaies saignaient plus abondemment, mais voila que le voile qui avait couvert ses yeux une minute plus tôt devint un bandage efficace.
Lorsqu'il eut fini sa besogne, il leva les yeux pour discerner un quelconque masque ou une émotion qui transparaitrait du visage de sa belle maîtresse.

Certes, je n'aurais pas dû être tant surprise à cet instant.
Mais qu'auriez-vous pensez en sentant deux mains s'emparer de vos pieds sans demander permission ni même s'annoncer ! Je suis certaine que vous aussi vous n'auriez pas été à l'aise en vous voyant privé de vos mouvements.
Surtout que je déteste cette sensation, immobiliser les pieds de quelqu'un... ça a quelque chose de dérangeant, vous ne trouvez pas?
Bref ! Oui, je n'aimais pas sentir mes pieds entravés ainsi, même au creux de douces mains comme celle de mon serviteurs.

Doucement, je me redressais de ma couche, assise maintenant, je fixais la nuque découverte de ma chose tandis qu'elle s'affairait à retirer les éclats du verre brisé de mon épiderme. Je récriai un "ouch!" de douleur à chaque bri de cristal retiré. Lorsqu'il en eut terminé avec sa besogne, je sentais la douceur de la soie humectée de sueur panser mes plaies encore sanglantes. Deux yeux aussi profonds que des puits de ténèbres me fixèrent sereinement.

-Si ce n'était pas toi Yûteki, il y a longtemps que tu aurais perdu tes deux yeux.

Je l'aurais fait... J'aurais arraché les deux perles d'obsidienne qui habitaient ses orbites. J'avais encore le couteau entre les doigts, pourquoi ne pas finir le travail? Un coup sec sur la gorge et le tranchant saurait boire le fluide vital en un seul coup décisif. C'était tentant. Détruire un jouet...

*Mais non, j'ai encore beaucoup de projets pour toi...*

Du dos de la main, je caressais doucement le front de mon glorieux compétiteur. Oui, j'avais encore beaucoup de choses à obtenir, grace à lui. Il ne me manquait plus que quelques éléments et mon plan se déroulerait à bien...

Avec délicatesse, je glissais le couteau d'argent dans la ceinture de Yûteki, prenant soin -pour une fois- de ne pas l'abimer de trop...

-Garde-le, il ne me saura plus d'aucune utilité...
Et maintenant, va-t-en... S'il te plait...

Animal obéissant, Yûteki accepta ce dernier geste et cet ultime ordre.
Bien qu'il aurait voulu connaître le fond de pensée de sa maîtresse, il ne pouvait pas désobéir à ses ordres: ils étaient parfaitement clair cette fois-ci.

-Si vous le désirez, Mademoiselle Nightspear.

Le ton revint à ce qu'il avait toujours été: une relation de maître à serviteur.
Un pas en arrière, toujours agenouillé, Yûteki exécuta une dernière courbette à l'attention de sa maîtresse et se releva. Les yeux rivés au sol, la tignasse blanche couvrant son visage, le gladiateur recula lentement jusqu'à la porte, n'accordant plus aucun regard à la jeune demoiselle.
La poignée tourna entre ses doigts et le battant s'ouvrit sur les ténèbres du couloir.

-Bonne nuit, Mademoiselle.

Les portes se refermèrent sur ses paroles. Yûteki était maintenant seul.
Seul?
Pas tout à fait.
Avant même de sentir la présence de la personne, deux bras maigrelets se jetèrent sur lui et lui étreignirent la taille. Yûteki en eut le souffle coupé. En temps normal, ses réflexes lui auraient dicté de repousser cet assaillant. C'est donc par instinct que sa main valide alla saisir la nuque de son agresseur pour la lui broyer.
Mais au simple contact de la peau, le guerrier s'arrêta net. Il reconnaissait cette chair rugueuse et torturée.

-Sachiko?

Un sanglot poignant fut la seule réponse qui parvint aux oreilles de Yûteki.
Interdit, le jeune homme ne savait comment réagir. Sa main était restée sur la nuque de la jeune fille, le visage enfoui contre son abdomen. Il n'avait jamais eu à traiter ce genre de situation, que devait-il faire?

-Hey! Arrête de chialer, je vais être trempé !

Et Yûteki l'était. Avec fermeté et douceur, Yûteki remonta sa main jusqu'au sommet du crâne de la jeune fille et tira doucement dessus. Il faisait trop noir pour voir quoi que ce soit, mais l'Utsuwa devinait dans la mi-obscurité le visage larmoyant de Sachiko. De petites constellations de larmes s'accumulaient autour de ses yeux.

Yûteki lui tapota la tête d'un air fraternel.

-Allez, viens avec moi, j'ai besoin que tu me recouses.

De son bras intact, le jeune homme s'empara de la taille de la gamine et la souleva à hauteur d'épaule. Ses petits bras se refermèrent autour de son cou et elle se remit à pleurer de plus belle.

-Arrête ! ça mouille !

It used to be Home

-Bonne nuit, Mademoiselle.

Et la porte claqua. J'étais à présent seule dans ma chambre. Seule avec moi-même.
Je contemplais silencieusement ma petite chambre... enfin, "petite"... A cet instant elle me paraissait petite. Peut-être était-ce à cause de ce sang couvrant le sol de la pièce que ma chambre ma semblait rétrécie. Ou peut-être souffrais-je simplement de la solitude?

-Qu'importe...

Je baissais les yeux sur l'etoffe noire qui bandait mes pieds. Du bout des doigts, je défaisais le noeud et découvrais mes pieds de ces cataplasmes artisanaux.
Mes plaies ne saignaient déjà plus.
Les coupures étaient encore fraiches, elles n'avaient toujours pas cicatrisé, pourtant le sang ne coulait plus, je lui refusais de couler.

D'un bond gracieux, je me relevais de ma couche, faisant quelques pas. Je recommençais à avoir mal, mais je m'en moquais, j'étais trop absorbé par mes pensées.

*Il ne reste qu'à régler le problème de Yûta... si ça se trouve, je n'aurais pas à l'éliminer... à moins qu'il ne sâche.*

Je rejoignis ma coiffeuse, retrouvant le siège confortable qui se dressait face au miroir. Je me contemplais à nouveau, je contemplais ce corps jeune et parfait que j'habitais. Ce masque de sang qui recouvrait le bas de mon visage sembla me sourire.

Oui, cette jeune reine était parfaite. Et ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne mette son plan à éxécution. Il ne restait que quelques pions à déplacer sur l'échiquier de Tochi et la partie serait gagnée.