-Manoir de la famille Nightspear- {Pv privé: Yûteki}

Véritable castel dominant les environs, la demeure des Nightspear arborait tout le faste qu'un pavillon à la française pouvait offrir. Un premier corps de bâtiment, pareille à une muraille protective, encerclait le bâtiment central comme un long serpent, cachant le pavillon comme un écrin cache un joyau sans prix.
Mais même ce carcan n'était pas assez élevé pour masquer les quatres étages de la demeure centrale, qui, pareille à un donjon, paraissait surveiller le domaine aux alentours.
Les Nightspear avaient volontairement bati leur demeure de manière à être excentré des deux principaux quartiers de la cité. Autant pour marquer leur envie de se démarquer des autres demeures que de conserver une certaine sécurité autour de leur famille.
Et quelle sécurité ! En plus du corps de bâtiment qui cernait le pavillon principal, une longue grille étirait son long fil tout autour de l'immense demeure. Les hautes grilles, déjà coiffées de pointes acérées, étaient constamment surveillées par une dizaine d'hommes en plaque d'armure, histoire de décourager un peu plus les possibles idiots qui chercheraient à y pénétrer par effraction.*
Tous étaient Utsuwas de profession et la demeure devait fournir le gîte et le couvert à pas moins d'une trentaine de guerriers, sans compter les nombreux serviteurs assignés à l'entretien du castel et à la bonne vie à l'intérieur de celui-ci.

Sur son balcon, assise sur la balustrade et balançant ses jambes dans le vide, une silhouette fine caressait des doigts une coupe de sorbet. La maîtresse de la demeure assistait au coucher du soleil de son balcon, savourant le tendre dégradé de couleurs que le ciel lui offrait. Les cheveux relachés et vétue d'un simple kimono sans manche, elle laissait le vent du soir soulever les pans de sa jupe et caresser sa peau fraichement lavée. Ses ballerines se balançaient doucement au grés du vent, sur ses pieds, on entrapercevait sous le tissu de ses chaussons, deux losanges à l'encre noir qui tranchaient sévèrement avec sa peau de lait.
Mais malgré la hauteur assez vertigineuse qui la séparait du sol, Saura gardait un calme serein.


*Toujours pas de nouvelles du navire, aujourd'hui encore...*

Je n'aime pas les retards, et surtout lorsque ceux-ci touchent mon quotidien. Le navire qui rapportait les marchandises venues de l'Autre côté de la mer avait déjà trois jours de retard, et cela n'allait pas arranger mes humeurs. Ce soir, je sentais que mon petit "spectacle" allait durer un peu plus longtemps que d'habitude.

*Il faudra peut-être prévoir une seconde bouteille d'Hypocras dans ce cas.*

J'allais passer les jambes par-dessus la balustrade pour rejoindre la sécurité du balcon et passer mes directives aux serviteurs, lorsqu'une ombre blanche attira mon regard plus bas dans la cour.
Je m'attardai sur cette vision, m'armant d'un sourire charmant en reconnaissant la personne qui attendait devant la grille qui fermait mon royaume. J'allais peut-être pouvoir sauver cette journée ennuyeuse grace à lui.

Le pas assuré, Yûteki remontait le chemin bien tracé qui le menait vers la fabuleuse demeure de sa maîtresse. Soleil dans le dos, il laissait son ombre balayer la route en éclaireur, se laissant emporter par la douce brise du soir.

*Je me demande bien comment je vais lui annoncer ça...*

L'esprit occupé, notre utsuwa aux cheveux blancs marchait la tête baissée en direction du sol. Depuis deux bonnes heures de marche, les événements d'aujourd'hui ne cessaient de lui revenir en tête. Et particulièrement cette demande assez inhabituelle qui lui trottait dans la tête.

"-Informe ta maîtresse, Nightspear Saura, de mon retour. Dis lui aussi que je sollicite une entrevue avec sa grandeur."

Il n'aurait pas pu le faire lui-même? Décidément, cette histoire d'entrevue agaçait les neurones du jeune paon. Le simple fait que Yûta soit revenu après trois ans d'absence était déjà source de questions, mais la plus grande surprise avait été cette soudaine demande.
Pourquoi? Cette question n'avait pas cessé de turlupiner Yûteki depuis leur séparation dans les ruines.

*C'est assez étrange que Yûta souhaite s'entretenir avec Elle. Peut-être son maître a-t-il un message à lui délivrer personnellement? Cela expliquerait l'air réservé qu'avait cette drôle d'autruche...*

Mais l'attitude de son vieux compagnon avait de quoi surprendre... S'il avait vraiment un message à délivrer, il n'aurait pas cherché à se défausser au tout dernier instant en prétextant se moquer de lui. C'était tout bonnement illogique.

*Et s'il avait quitté son maître?*

Yûteki n'avait jamais vu Yûta seul sans son maître dans les parages. Sauf cas exceptionnel, il ne le quittait jamais, alors pourquoi aujourd'hui il voyageait à travers l'île sans lui.

-Il se serait enfui?...

L'idée qu'un Utsuwa puisse quitter son maître lui était grotesque, mais les liens qui unissaient le Nushi et son Utsuwa étaient encore sombres dans l'esprit de Yûteki. Il savait que les Utsuwas pouvaient ressentir la douleur de leur maître lorsque ceux-ci étaient malmenés, mais c'était vraiment tout ce qu'il savait. Personne n'avait jamais mentionné l'histoire d'un Utsuwa qui aurait quitté son maître sans sa permission...

*Et si jamais c'était le cas, ce n'est pas en retournant chez les Nightspear qu'il pourrait échapper à Seiichi. Ce serait même le premier endroit qu'il aurait à éviter... Pas possible...*

-Maître?

Trop absorbé par ses pensées confuses, l'utsuwa leva subitement les yeux du chemin et se rendit compte qu'il se tenait en face de la haute grille du pavillon de la famille Nightspear. Devant celle-ci, se tenait quatre hommes et femmes en armure qui gardait l'entrée principale. Ils s'inclinèrent légèrement devant leur supérieur hiérarchique.

-Ouvrez-moi, je suis rentré.
-Bien.

L'homme adressa un signe à ses compagnons. Ceux-ci s'affairèrent à ouvrir les lourdes grilles qui fermaient le domaine. Dans une attitude très militaire, ils laissèrent passer leur aîné et fermèrent les portes derrière lui.
L'heure à laquelle Yûteki rentrait était plutôt inhabituelle, aussi ne s'étonna-t-il pas de ne pas rencontrer l'habituelle vie qui habitait le pavillon. La cour extérieure était déserte, sans compter les rares gardes qui patrouillaient.
Piqué par son étrange sixième sens, Yûteki sentit le poids d'un regard sur lui.
Il leva instinctivement les yeux vers la "tour" qui constituait le bâtiment principal de la demeure. Et au plus haut étage, il perçut une adorable silhouette assise sur son perchoir, ses cheveux roux dansant au gré des courants aériens.
Yûteki sentit un pic de nervosité caresser sa colonne vertébrale. A cette distance, il ne pouvait cerner les yeux de sa maîtresse, mais il pouvait les imaginer se poser sur lui. Mais si son frisson pouvait se résumer à cette pensée, il aurait été le plus heureux des serviteurs. Cependant, la question de cette entrevue lui trottait toujours dans l'esprit et il redoutait déjà l'instant de lui délivrer ce message.
Il réprima un soupir d'angoisse.

-Prions pour qu'elle soit de bonne humeur...

Yûteki s'engagea sous le porche de la demeure, décidé à faire parvenir le message dont il était chargé.

Je n’avais pas à faire de geste, ni à l’appeler pour qu’il vienne à moi. Juste à attendre patiemment qu’il monte les quelques étages qui nous séparaient. J’espérais qu’il saurait me tirer de cette ennuyeuse humeur qui me gâchait la vue de ce superbe coucher de soleil aux couleurs d’hémoglobine.
Yûteki avait déjà disparu sous le porche de la demeure, disparaissant de mon champ de vision pour de bon. Je l’avais pourtant vu s’arrêter et lever les yeux dans ma direction. Décidemment, ce jeune homme avait le chic pour intercepter le moindre de mes regards, à croire qu’il savait à chaque fois où mes yeux se trouvaient lorsque je le fixais trop longtemps.
Son don m’avait toujours impressionné. Peut-être l’avait-il développé à force d’éxacerber ses sens et son talent lors de ses nombreux combats. C’était bien pratique en y repensant.

*Serais-je jalouse d’un serviteur ?*

Cette pensée me tira un rire cristallin. Soudainement de bonne humeur, je pivotais sur la rembarde et glissais sur le carrelage de mon balcon. Passant le pas de ma véranda, je refermais doucement les fenêtres derrière moi et pénétrais dans ma chambre.
La pièce aux parements luxueux me paraissait lugubre dans la lueur du crépuscule. Mais rien ne pouvait me voler cette petite note joyeuse qui vibrait comme une corde au fond de mon être.
Dans une douce valse, je traversais ma chambre, caressant du bout des doigts les longues chaînes qui tombaient du plafond. Leur mouvement conjugué émit un doux tintement, pareil au son du cristal. A mes pieds, le plancher était incurvé comme une sorte de creuset dont le centre était orné d’une bonde d’évacuation pour évacuer le sang versé.
En pensant au spectacle de ce soir, je ne pouvais m’empêcher de trépigner d’avance, ça allait être fantastique !

C’est alors que deux coups sourds résonnèrent contre le battant de ma porte. Je devinais déjà l’identité de mon visiteur.

-Entrez.

Ayant gravi les escaliers du pavillon quatre à quatre, Yûteki cherchait à réguler son rythme cardiaque. Son souffle s'était fait plus court, sa respiration plus âpre. Piquer un sprint en grimpant des escaliers n'était pas la chose la plus recommandée. Surtout sur quatre étages qui réunissaient à eux seuls plus de mille marches de marbre et à une allure assez déraisonnée. L'expression "quatre à quatre" était peut-être même trop faible pour qualifier son train de course.
Mais au final, il se retrouva devant la porte des appartements de sa maîtresse. Un brin essouflé, mais rien de bien fatiguant. La journée avait apporté son lot d'événements crevant, pas la peine dans rajouter une nouvelle pelletée.

Finalement calmé, il inspira profondemment et frappa au battant de la porte. Ses deux coups résonnèrent dans le couloir, vide, laissant leur écho croître petit à petit.

-Entrez.

Yûteki poussa doucement le battant. Les yeux baissés sur ses pieds, presque mi-clos, il pénétra dans la pièce avec une déférence qu'on ne lui voyait jamais à l'extérieur. Lui qui était si vivant et superactif, le voir arborer un tel calme était un spectacle à lui tout seul.
L'utsuwa ferma la porte derrière lui sans tourner le dos à la jeune femme qui lui faisait face et posa un genou au sol. Sans mot dire.

*Quelle comédie...*

Yûteki aurait du attendre que sa maîtresse lui autorise de se relever, mais le sang chaud qui bouillonait dans les veines de notre jeune paon n'aurait su se calmer. La patience n'était pas la plus grande de ses vertus, surtout lorsqu'il s'agissait de respecter les silences et les moments d'inaction que le protocole réclamait.
Maintenant debout de toute sa hauteur, Yûteki devait bien faire une tête de plus que sa maîtresse.
Il lui adressa un sourire qui aurait pu paraître enjoleur en d'autres circonstances.

-Notre petite princesse a-t-elle passé une bonne journée, aujourd'hui ?

A l'entendre, sa phrase paraissait toute innocente, aussi innocente que son sourire.
Il savait parfaitement qu'aucun autre Utsuwa, ni aucun serviteur ne se serait permis cela, plus par crainte que par respect. Mais Yûteki était l'exception, il n'aimait pas agir comme les autres après tout. Et la peur ne lui allait pas au teint après tout.
Aussi aimait-il taquiner Saura. Juste assez pour obtenir ce qu'il voulait d'elle.

-Notre petite princesse a-t-elle passé une bonne journée, aujourd'hui ?

Je lui adressais un doux sourire, mes pupilles brillaient doucement sous le couvert de mes paupières comme deux feux follets aux reflets d'émeraude au fond d'une caverne. Mes dents apparurent sur le fil de mes lèvres retroussées, révélant un éclat blanc sur ces collines de grenat.
Que j'aimais le détester.

Ma main dessina un arc vif devant moi. Le bruit sourd de la chair rencontrant la chair résonna dans ma chambre à coucher, ma paume fouettant le visage de ce cher Yûteki, mes ongles lui labourant la peau.
Sa tête parut se décrocher sous le coup que je lui avait porté, mais elle resta sur ses épaules. Son regard se perdait maintenant sous les mèches blanches de sa chevelure. Mais je pouvait encore percevoir ce regard qui me perçait de part en part.

-Une éxécrable journée, mon petit paon.

Ma voix ne trahissait pas ma colère. Je gardais le même ton agréable que d'habitude, comme si le geste que j'avais fait n'avait jamais existé.
Mes yeux restèrent longtemps sur l'hématome sur sa joue. Les quatre longues traces de mes ongles marquaient maintenant son visage, l'une des entailles laissait miroiter le liquide sombre qui se cachait sous cette peau blanche.
Je retroussais un sourire agréable, ne pouvant empêcher mes sens de s'émouvoir devant cet apéritif.
Enroulant mon bras autour de la chaîne au-dessus de ma tête, mes jambes se dérobèrent et je laissais mon corps s'emporter doucement de droite à gauche.

-Mais raconte-moi ta petite journée, mon ami, j'imagine que tu as profité de ce jour de congé que je t'ai accordé.

Je lui lançais un regard innocent, mais persistant.

-Fais-moi ton rapport, et tache que ton histoire soit belle à entendre. Je ne suis vraiment pas d'humeur.

Le coup avait été vif et sans retenu. Il n'avait pas cherché à l'esquiver... ça aurait fait preuve de plus d'impolitesse. Il ramena sa tête doucement sur ses deux épaules sans cesser de fixer l'image dédoublée de sa maîtresse. Le coup l'avait tout de même bien assommé, sa vision allait devoir s'accoutumer doucement avant de reconstituer une image correcte.
Portant la main à son visage, l'ombre rouge de son hématome lui lança un douloureux message de souffrance. Mais il n'en prit pas compte, préférant savourer cette cuisante marque. Avant même de les caresser du doigt, Yûteki avait senti l'effluve de sang, de son sang, couler le long de son visage.
Il se redressa, droit comme un "i", laissant son sang tracer un long sillon sur sa joue et glisser tendrement sur la ligne de son menton.
Une goutte tomba sur le parquet lustré.

-Fais-moi ton rapport, et tache que ton histoire soit belle à entendre. Je ne suis vraiment pas d'humeur.

Yûteki se mordit la langue.

*Soyons plaisant pour une fois...*

Le jeune homme chercha à se détendre. Mais le poids de son message lui restait coincé entre les omoplates. Ignorant ce noeud, il tenta d'afficher son habituelle bonne humeur de façade et se lança.

-Oh, ne vous méprenez pas, ma journée n'a pas été la plus attrayante qui soit. J'avais rendez-vous, mais la rencontre n'était guère intéressante. Et je pense vraiment avoir gâché la faveur que vous m'avez accordé aujourd'hui. Si j'avais su, je l'aurai troqué contre une de vos habituelles ballades, votre compagnie m'aurait été plus agréable que celle de ces énergumènes.

Voilà qu'il détournait implicitement la conversation sur ses rencontres de la journée. Yûteki ne chercha pas à lire la réaction sur le visage de Saura, elle aurait surement compris son stratagème rien qu'en croisant son regard. Intérieurement, le paon espérait attiser sa curiosité en ne nommant pas directement son rival. Histoire de limiter les dégâts...

A l'entendre, Yûteki ne paraissait pas satisfait de sa journée. Aurait-il passé une journée plus ennuyante que la mienne? Pourtant, il avait mentionné cette rencontre avec ces "énergumènes".
Je savais que mon gentil garde du corps était parti pour la journée afin de rencontrer une personne en particulier. Mais jamais il n'avait dit que ce quelqu'un serait "plusieurs". J'en déduisais qu'il avait eu l'occasion de se mêler à plus d'une personne.
Connaissant le caractère de Yûteki, je commençais à me poser des questions. Qui serait capable de le supporter pour vouloir le retrouver? Et encore mieux: combien étaient-ils à le supporter?

*De toutes les personnes que Yûteki a bien pu fréquenté dans cette demeure et à l'extérieur, les quelques rares qui ont réussi à supporter son caractère ne dépassent pas la dizaine. Et aucun parmi eux n'aurait voulu le retrouver seul à seul simplement pour discuter avec lui.*

Pendant un bref instant, je me demandais si Yûteki n'était tout simplement pas allez dans une de ces maisons de plaisir qui pullulaient dans la région. Il ne serait pas étonnant qu'un homme dans la fleur de l'âge comme lui veuille profiter de certains plaisirs... Mais je le connaissais trop bien pour douter de lui à ce sujet.
Enlevé trop jeune pour connaître le véritable aspect de la vie, et sans éducation aucune, il ne devait certainement pas savoir, ni même imaginer, ce qu'était le sexe.
Ah... Que les simples d'esprit sont les plus gâtés de ce monde...

-Allons, ne me fait pas languir, qui étaient ces personnes? Hommes? Femmes? Marchands? Passants? Simples victimes ou brillants combattants? A t'entendre, on dirait qu'ils t'ont profondemment ennuyé. Quelqu'un aurait-il blessé la fierté de mon paon capricieux ? Fis-je avec un petit rire en sourdine.

Je sentais déjà en moi ces questions bouillir au fond de mon être, attisant ma curiosité sans limite. Je voulais savoir. Et depuis ma longue existence, j'étais persuadée que le vrai pouvoir résidait dans la connaissance.
Tournant le dos à mon favori, je m'asseyais confortablement sur l'une des chaises matelassées qui poussaient dans mes appartements. Assis comme je l'étais, je surveillais Yûteki dans la glace, tandis que je réajustais ma coiffure.
Si ce soir je voulais assister à mon spectacle, il fallait que je sois présentable.
Le soleil avait déjà disparu à l'horizon. Ne restait plus que sa traîne de pourpre et de lapis-lazuli.

-Que penses-tu si je les porte en chignon? Demandais-je avec tendresse. Ainsi coiffée, ils risqueraient moins les projections de sang, tu ne crois pas?
Ah! Et n'oublie pas d'appeler un serviteur pour qu'on m'apporte mon Hypocras...

Hrp// Pardon de l'attente, une coupure subite en plein milieu de mon post m'a un peu découragé. Gomen. >_<

*Une nouvelle coupe de cheveux peut-être?*

Non, Yûteki ravala très vite cette idée. Les cheveux longs lui allaient parfaitement. Si elle devait se séparer de ses interminables boucles incandescentes, le jeune Utsuwa ne saurait comment réagir. Il l'avait toujours vu avec une telle coiffure que son image était restée gravée à jamais dans son esprit.
Elle ne devait pas changer, elle devait rester la même, pour toujours. Vivre à jamais telle qu'elle était, sans jamais s'altérer. C'était son destin comme à tous les Nushi de cette île et Yûteki restait persuadé qu'elle vivrait jusqu'à ce que cette fichue terre soit engloutie par les flots qui l'encerclait.

Cependant,... tandis que sa maîtresse glissait jusqu'à sa coiffeuse, comme une ombre blanche, Yûteki lui emboita le pas. Se tenant maintenant derrière elle, il était immense comparée à cette jeune femme.
Assise ainsi, elle paraissait aussi petite...

*...qu'une enfant...*

Cette pensée le ramena aux nombreux instants qu'il avait vécu à ses côtés. Ces dernières années qui demeuraient les seules où il avait réellement "vécu". Douleurs, souffrances, brûlures, déchirures, tortures, il n'avait que de merveilleux souvenirs avec elle, et il espérait s'en créer d'autres à l'avenir.
Mais à voir sa petite princesse ainsi, il se remémora les plus lointains souvenirs qu'il avait pu se forger alors qu'elle n'était qu'une toute jeune fille. Un arrière goût de nostalgie lui vint au palais. Âpre et suave en même temps.
C'était une époque innocente, encore loin des délices du combat, une période d'adaptation et d'apprentissage auprès de son nouveau maître. Une renaissance tout en délicatesse où chaque instant était un émerveillement nouveau. Il se souvenait encore de ces rares moments de calme et de sérénité qu'il avait pu partagé autrefois avec celle qui faisait sa vie...
Yûteki baissa les yeux sur les reflets roux des cheveux de Saura.
Mais cela n'était pas si loin finalement...
Il leva une main et effleura le sommet du crâne de sa maîtresse, caressant subrepticiblement sa douce chevelure au subtil parfum de lyla. Yûteki étira son geste vers le miroir de la coiffeuse par lequel Saura le surveillait du coin de l'oeil.
Le serviteur caressa le cadre de bois jusqu'à atteindre un long cordon qui pendait derrière. Yûteki s'en saisit et tira par deux fois. Deux tintements de clochettes accompagnèrent son geste.
Deux secondes plus tard, un nouveau tintement se fit entendre, signe que la requète était comprise.

-L'hypocras est commandé.

Yûteki imaginait déjà la jeune Sachiko en train de s'affairer à préparer son breuvage dans les oubliettes de la demeure, loin de tout.

-Que penses-tu de relever un peu tes cheveux pour ce soir? Quelques épingles feront l'affaire pour les tenir en place.

Accompagnant le geste à la parole, Yûteki s'empara doucement des longs cheveux de Saura et les remonta sur l'arrière de son crâne avec mille délicatesse. Mais on pouvait percevoir un tremblement qui parcourait ses doigts.

-J'ai rencontré Yûta cet après-midi... Il est passé me voir pour te délivrer un message.

*Quoi?...*

Qu'avais-je entendu?
Je crois avoir senti tout mon corps se tendre à ce nom. La surprise m'avait paralysé, ma peau me démangeait, assaillie par le picotement incessant de mes nerfs.
Mes yeux glissèrent sur l'onde miroitante de ma glace.
Pourquoi étais-je devenue pâle tout à coup? Certes, j'avais l'habitude de voir ma peau immaculée, mais je devais avoir perdu une ou deux teintes en moins de quelques instants. Où était passé mon sang-froid?

Je palpais discrètement le regard de mon utsuwa à travers mon miroir. Mais pour une fois, il semblait trop occupé à la conception de ma coiffure. Non... je devinais qu'il cherchait d'abord à échapper à mon regard.
Je le sentais à son air "mine de rien" et attentionné. Mais le plus clair était le doux tremblement qui parcourait ses mains.

D'un mouvement de tête, je me dégageais doucement de sa prise et levait les yeux vers lui. Décidée à découdre de la question...

-Tu sais pertinement que tu ne dois pas me tutoyer...

J'accompagnais cette sentence d'un regard tranchant et sans équivoque.

-Apprends à tenir ton rang.

Je me levais, me tenant face à lui. Caressant ma coiffeuse du bout des doigts, je découvrais l'une des longues épingles à cheveux dont Yûteki avait fait mention plus tôt et je la faisais glisser entre mes doigts. La longue aiguille dorée tintait doucement, sa pointe était ternie par un voile cuivré.
Posant mon derrière sur le rebord de ma coiffeuse, je gagnais une dix centimètres de plus sur mon jouet préféré et affichait mon masque impénétrable... quoiqu'un léger sourire perla sur mes lèvres.

-Yûta est vivant? C'est une nouvelle... Après cette si longue absence, il ose enfin nous revenir.

En mon for intérieur, je ne pouvais pas réprimander un violent pincement au coeur.
*J'étais pourtant persuadée qu'il était mort...*
J'arrivais tant bien que mal à cacher ma perplexe contrariété devant mon jeune Utsuwa.

-Quel est ce message? Vient-il de Seiichi ? Cela fait si longtemps que je n'ai pas eu de nouvelles de mon tendre grand frère.

Et je n'espérais pas en recevoir de si tôt à vrai dire... Vraiment, ce soudain retour n'annonçait rien de bon.

Au moins, se disait Yûteki, Saura lui accordait une attention toute particulière et il n'avait pas eu à briser un seul vase de la petite chambre. C'était un bon point. Maintenant qu'il avait abordé la question de Yûta, ce petit soucis d'attention qui l'avait d'abord rebuté venait d'être facilement palié.
Il fallait dorénavant présenter au mieux la requête de son vieux rival.

-En effet, Yûta est bien vivant, mes bleus peuvent en attester.

Yûteki laissa échapper un sourire en se repassant les instants de cette rencontre. Ses blessures se firent une joie de se réveiller pour le lui rappeler avec plus de précisions.

-Mais ce cher Héron n'a pas voulu me dévoiler le pourquoi de son message.
Je ne sais pas de quoi il voudrait vous entretenir, ni même si cela vient directement de votre frère. Il m'a juste chargé de vous demander audience.

Yûteki déposa ses mains sur le dos du fauteuil, s'appuyant doucement dessus. La cerise sur le gateau...

-Il m'a aussi dit que vous ne le regretteriez pas...
Il a promis de vous offrir de "belles choses" si vous accédiez à sa demande.

Décidemment, cela le démangeait trop.

*C'est vraiment naze... Comment Yûta veut-il que je lui assure un entretien avec Saura juste avec le peu qu'il me fournit?! Il va m'entendre ce pigeon...*

Patiemment, je l'écoutais. Analysant pensivement les quelques informations que mon utsuwa m'apportait.
Je ne le montrais pas, mais j'appréhendais chaque parole qu'il prononçait comme si chacune d'entre elle pouvait déceler un sens caché qui aurait dû m'alerter. Rien ne parut résonner comme je me l'imaginais.
Mais les mots "belles choses" tintèrent comme cristal à mes oreilles.
Certes, mes gênes d'Akuyo avaient creusé leur place dans mon subconscient et j'étais forcemment attirée par ce qui pouvait être d'une attrayante beauté. Cependant, je restais sceptique.
Qu'est ce qu'un Utsuwa pouvait bien m'offrir qui me plaise? Et surtout l'utsuwa de mon frère...

*Je pensais avoir réglé mes comptes avec le passé... mais il faut croire qu'il y a toujours quelqu'un pour vous le rappeler...*

Rencontrer Yûta n'allait donc pas être une possibilité.. Il faudrait que je m'assure de le rencontrer... et au plus tôt.
Habillé de mon sourire le plus enfantin que je pouvais afficher, je descendais de mon perchoir et grimpait sur mon fauteuil, les bras acoudés sur le dossier, à quelques centimètres du visage de mon Paon.

-Si ton vieil ami a quelque chose pour moi, alors je devrais peut-être le débarasser de sa charge. Tu ne crois pas?

Je n'avais cure de l'avis de mon serviteur, mais ce pseudo dialogue entre nous avait quelque chose d'amusant. Je ne savais pas en quoi, ni d'où cette jouissance était née, mais je l'exploitais au mieux.
Je posais un ongle sur l'encolure du manteau de mon favori et faisais courir mes doigts jusqu'à sa gorge, m'amusant avec sa pomme d'Adam.

-Và donc retrouver ton compère et dis lui que je conçois à lui accorder un peu de temps.
Demande-lui de me retrouver demain soir, après ma sortie au port. Il n'aura qu'à s'annoncer au portail de la demeure et je le recevrais.

Concluant là-dessus, je tapotais doucement sa pomme d'Adam avec mon doigt avant de lui planter l'aiguille que je tenais en main. Le spasme qui parcouru sa peau me traversa comme si mon doigt avait été un parfait conducteur à sa douleur muette.
Comme une petite fille, je me redressais sur le siège, me mettant carrement debout dessus. L'aiguille ensanglanté entre les lèvres, je le fixais avec un sourire ravi, tandis que le sang qui coulait de sa main glissait sur le dossier du fauteuil pour venir tacher mes pieds immaculés.

-Et continue à me tutoyer, ça me donne une furieuse envie de te faire saigner.

Je tenais maintenant sa tête entre mes deux mains. Le sang perlant dans ma gorge semblait me brouiller progressivement la vue. Mon spectacle allait peut-être commencer dès maintenant finalement. Je n'avais jamais eu l'idée de saigner mon utsuwa favori... jusqu'à présent.

La journée allait de surprise en surprise décidemment...

*Est-ce que ça veut dire qu'elle accepte*

Il y avait tout pour y penser apparemment. La charmante Saura avait accepté tout de go, sans hésiter... ou sans avoir eu l'air d'hésiter. Mais si sa maîtresse avait pu avoir quelques premières réticences à rencontrer Yûta, elle ne l'avait pas montré, et Yûteki ne s'en était pas apperçu le moins du monde.
A vrai dire, il était trop secoué par la réponse positive de Saura. S'il n'avait pas eu ses oreilles pour entendre cela de sa bouche, le jeune Utsuwa n'y aurait pas cru. La surprise lui avait coupé le souffle... ou était-ce la douleur suraigüe qui lui courait sur le dos de la main?

Yûteki baissa les yeux sur sa main ensanglantée. Epinglée comme un papillon au bout d'une épingle, sa main restait posée sur le bois du dossier, le sang coulant de sa blessure dessinaient de douces arabesques sur le dossier. Son fluide vital alla jusqu'à glisser entre les doigts de pied de sa seigneurie, tachant la blancheur de sa peau.

*... aïe...*

Yûteki avait beau cottoyer la douleur depuis toujours, celle-ci faisait toujours aussi mal, même avec l'habitude... mais sa souffrance naissante réveillait déjà quelque chose au plus profond de lui. Un sentiment de jouissance perlait déjà au creux de son esprit, et avec, un besoin irrépressible commençait à lui hurler aux oreilles.

*J'en veux encore... Plus ! Beaucoup plus !!*

Lorsque Saura prit la tête du jeune homme entre ses mains, son sentiment de manque ne se fit que plus aigü, déjà titillé par des envies que même Freud n'arriverait pas à démêler entre pulsion de mort et pulsion sexuelle tant elles étaient enchevetrés les unes aux autres.
Il était si près de Saura qu'il pouvait sentir jusqu'aux nuances des flagrances dont elle s'était aspergée, ce qui ne fit qu'accentuer cette émulation de sentiments fougueux qui le secouait.
Il n'avait qu'à dire un mot, faire un geste, juste l'effleurer et Yûteki savait que ces mains si charmantes s'amuseraient à lui labourer la peau jusqu'au sang. Il était tenté.

Toc, Toc, Toc.

Trois coups tambourinèrent contre la lourde porte de la chambre.

Toc, toc, toc.

*Quoi?*

Les coups résonnaient dans la pièce comme dans ma tête. Sourds, échos qui chantaient loin derrière moi.

Toc, Toc, Toc.

Les coups reprirent de plus belle. Mais ils semblaient retentirent dans ma tête tant je fus tiré de cette hypnose au goût ferreux. Ma vision s'élargissait, je ne m'imaginais plus Yûteki baignant dans son propre sang. Non, je le voyais clairement ! L'image qui m'était passée dans l'esprit se superposait à celle de mon Utsuwa à moins de cinq centimètres de moi.
Mon état était bien plus poussé que je ne l'avais imaginé.
Mais je n'avais pas perdu la raison pour autant.

-Entrez!

Ma voix avait peut-être vacillée. Mon ton aurait pu semblé être de la colère, mais ce n'était pas voulu. Je n'arrivais donc plus à avoir le contrôle de mes propres émotions? J'étais allé bien loin dans mon délire.
Je repoussais Yûteki avec toute la douceur que je pouvais rassembler: mon utsuwa manqua de se rompre le dos contre l'un des piliers de mon lit à baldaquin.
Malgré cela, je tentais de garder une attitude digne... même si je trempais dans le sang de mon serviteur le plus zélé.

La porte s'ouvrit sur mon visiteur.

C'était comme sortir d'une hypnose prolongée. Un réveil soudain à la réalité.
Brutal, sec, violent, vous vous éveillez d'un rêve, les lèvres encore humides d'un nectar délicieux. La sensation est encore fraîche dans votre esprit, et tout votre être cherche à renouer ce lien perdu. Mais la rupture est définitive, vous êtes coupé de cette délicieuse jouissance, il ne reste que le souvenir et la déception d'avoir été tiré de cette veillée merveilleuse.

Le souffle court, comme tiré d'un envoutement, Yûteki était assis, recroquevillé au pied du lit à baldaquin. Réveillé, il l'était, mais aussi vif qu'était son esprit, il se focalisa sur les trois coups que la porte avait sonné. Cette visite inopinnée avait marqué la fin de ce doux négoce que le maître et le serviteur s'apprétaient à conclure, emportant avec lui le sublime arôme de cet instant.
Autant la colère n'habitait pas Yûteki à cet instant précis, autant il n'était pas satisfait que les choses tournent ainsi. Il aurait voulu voir comment cela aurait tourné...

La porte s'ouvrit. Le battant glissa doucement sur le parquet et une petite forme toute ratatinée sur elle-même se tint au seuil de l'entrée.

-V...votre hy... hypocras, Mademoiselle...

Cette voix chevrotante au timbre enfantin, Yûteki la reconnut pour être celle de Sachiko. Mais sous cette lourde capuche qui lui barrait le visage, il aurait été difficile de la reconnaître.
Avec un certain malhaise, la jeune servante trottina jusqu'à Saura, un plateau occupant ses deux mains. Dessus reposait l'habituel couple qui faisait le bonheur de la maîtresse de maison: une bouteille de sa liqueur favorite associée à un verre à pied en cristal.
A moins d'un mètre de Saura, Sachiko s'agenouilla et présenta le plateau à sa vue.
Les yeux baissés sur le sol ciré, elle n'osait faire le moindre mouvement qui puisse rompre l'équilibre de son précieux fardeau. Trop terrorisée qu'elle était de se retrouver ici.
Elle n'adressa aucun regard à Yûteki. Lui par contre, s'évertuait à capter son regard de toutes les manières les plus furtives possibles.
Mais lorsque ses yeux rencontrèrent les rares parcelles de peau visibles du corps de Sachiko, l'utsuwa ravala un frisson glacial. Les sévices qu'on lui avait infligé étaient... indescriptibles... Jamais il n'avait vu ça de sa vie.
Yûteki se souvenait encore du jour où il l'avait retrouvée à moitié morte dans les appartements des serviteurs, il ne l'avait tout simplement pas reconnu tant son corps avait été ravagé. Il avait appris par la suite par le biais des autres serviteurs que Saura avait été celle qui l'avait torturé lors de son divertissement, mais de toutes les fois où sa maîtresse avait organisé ses séances de torture, Sachiko avait été la première à se retrouver avec des blessures pareilles. Et jamais jusqu'à présent, Yûteki n'avait vu quelqu'un en ressortir en si piteux état, lui-même ne se souvenait pas s'être retrouvé blessé de la même manière, même lors d'un combat contre un autre Utsuwa.

A l'époque, c'était il y a tout juste quatre mois, Yûteki s'était longtemps demandé de quelle manière elle s'y était prise pour lui faire de telles blessures. A part les traces de brûlures et de coups de fouet, Yûteki n'était pas encore parvenu à élucider le mystère de ces auréoles boursouflées creusées dans sa peau. Il s'en souvenait parfaitement, le dos de Sachiko était couvert de lambeaux de peau et d'étranges plaies en formes de cratères noircis. Et surtout l'odeur infecte de viande carbonisée et de sang séché qui émanait ce jour-là...
Yûteki réprimanda un haut-le-coeur.
Cette vision mentale du corps torturé de Sachiko lui ota définitivement l'envie de se retrouver au coeur du petit jeu de torture de Saura... pour aujourd'hui et la semaine à venir, au moins...
Pour une fois qu'il ne voulait pas expérimenter une nouvelle souffrance.

-V...votre hy... hypocras, Mademoiselle...


*Sachiko-chãn...*

A cet instant, je ne sais pourquoi, j'avais une folle envie d'éclater de rire. Voir Sachiko ici était vraiment la dernière chose à laquelle je m'attendais, quelle délicieuse surprise !
Maintenant je me retrouvais entourée de mes deux martyrs favoris, qu'espérer de plus !? Mes mains tremblaient-elles? Je ne les sentais plus. A vrai dire, j'étais dans un tel état d'excitation que je ne sentais plus mon propre corps. Qu'exprimais-je à cet instant? De quoi avais-je l'air?
Je n'avais qu'à me tourner vers mon miroir pour m'en assurer, mais je ne pouvais pas me détourner de la dive bouteille. C'était bien trop attrayant.

La jeune servante s'agenouilla à mes pieds, me tendant le plateau et son contenu.
Il se passa quelques longues secondes avant que je ne fasse un seul geste. Au final, je descendis de ma chaise avec toute la grace que je pouvais rassembler et contournait celle-ci pour me rapprocher de ma récompense.

-Tu as fait vite cette fois-ci, Sachiko-cha~n. C'est parfait...

*... cela aurait été plus que parfait si tu ne nous avais pas interrompu...*

Je tendais ma main dans un geste lent et décomposé, caressant du bout des doigts mon breuvage. Mais je ne m'arretais pas à la surface délicieusement glacée de la bouteille, mamain continuait de s'étendre entre le verre et la bouteille, allant cueillir sous sa capuche le visage de Sachiko.
Quel délice de sentir ce frisson violent secouer son petit corps. J'avais cru entendre un couinement de sa part, mais si je n'en étais pas certaine, j'étais sûre d'une chose: Sachiko tremblait de tout son corps sous mes doigts.
Avec une cruelle délicatesse, je lui empoignais tendrement le menton et levais son joli visage à la lumière du lustre. Ses yeux terrorisés étaient de toute beauté, surtout lorsque ceux-ci cherchaient en vain à fuir ce lieu. Ses pupilles exécutait une si belle valse sous la lumière des bougies...
Il aurait été triste de les lui arracher prématurement.

-Yûteki? Et si nous nous amusions avec elle?

Ma sentence avait pétrifié la valse de ses prunelles. Avais-je dis quelque chose de mal?
De ma main libre, je lui prenais son plateau, sans pour autant lâcher son visage. Il aurait été triste de la voir s'enfuir.
Je déposais le plateau sur la petite coiffeuse et m'emparais de la bouteille. J'en versais de son contenu dans le verre et le soupesais. Humant son parfum à l'arôme fruité, je me délectais de toutes les sensations que cette substance évoquait en moi. Puis je me tournais vers mon petit utsuwa.

-Alors? Et si nous commencions? La soirée est déjà bien entamée, et l'humeur est au rendez-vous, non? ª

-Yûteki? Et si nous nous amusions avec elle?

Le jeune utsuwa osa un rapide coup d'oeil vers sa maîtresse. Elle était donc sérieuse? Non, c'était bien pire. A la voir aussi empressée de s'amuser, il aurait été difficile de lui refuser quoi que ce soit. Et dans l'état actuel de Saura, lui refuser cela serait suicidaire.

Yûteki se releva sur ses deux jambes, gardant les yeux bien bas. Il n'avait définitivement plus aucune envie de s'amuser ce soir. La vision des blessures de Sachiko lui avait tout simplement coupé tous ses moyens.

*Sortir d'ici...*

Le jeune homme aux cheveux blancs se redressa doucement. Ses yeux croisant le regard éploré de Sachiko. Pendant un bref instant, Yûteki ressentit une drôle de sensation traverser sa poitrine, c'était ça la culpabilité?

*Arrête de me faire ces yeux-là...*

La gamine ne pouvait pourtant pas décrocher son regard de celui de Yûteki. Elle était au bord des larmes, seule la peur l'empéchait encore de pleurer, mais Yûteki n'avait pas besoin de telles preuve pour comprendre ce regard. Elle l'implorait. Dans cette pièce, elle voyait en Yûteki le seul être qui aurait pu la sauver des griffes de Saura.

Mais Yûteki savait pertinement une chose: il n'était clément envers personne.
D'un mouvement vif, il enroula son bras autour du cou de la toute jeune servante et l'arracha de la poigne ferme de Saura.

Je n'avais pas même vu le geste de Yûteki que ma proie m'échappait des mains. Il avait été si rapide que je n'avais pas eu le temps de réagir. Mais même si j'avais eu l'occasion de le voir arriver, j'aurais été bien trop surprise par sa réaction.
J'étais surprise. Surprise de le voir se porter au secours d'une servante. Mais pire que tout: j'étais surprise qu'il ose se dresser entre moi et mon jouet du moment. Si stupéfaite que ma main était restée suspendue dans les airs. A croire que mon corps n'avait pas encore compris que ma proie m'avait échappée des mains...

*Qu'est-ce que...?*

Mes mains revinrent doucement sur le dossier de ma chaise. Les épaules basses, le regard inexpressif, je ne pouvais pas deviner que mon visage exprimait une telle stupeur. Mais une stupeur froide, muette, figée... Le calme avant la tempête en quelque sorte...
Dans une attitude féline, mon corps commença à se mouvoir de lui-même. Tandis que je m'avançais lentement vers mes deux serviteurs, je ne pouvais réprimer cet horrible pressentiment que j'avais en les voyant tous les deux, serrés l'un contre l'autre.
Y avait-il quelque chose entre ces deux-là? Etaient-ils liés? Sans que je ne le sache?

Si Yûteki, MA propriété, devait avoir une quelconque relation avec une autre personne, je devais en être informée. Pour m'assurer que cette personne cesse d'exister, définitivement. Il était hors de question que Yûteki ait des liens avec une autre personne que moi. Moi seule !
Je le sentais... l'ivresse qu'avait causé l'appel du sang commença à laisser la place à la colère. Une colère insidieuse qui réveillait mes plus bas instincts. J'avais les nerfs à fleur de peau. Je ne pouvais pas permettre que mes plans tombent à l'eau, pas après tant d'années de sacrifices.
Je lui lançais un regard grave.

-Qu'est-ce que ça signifie?.. Yûteki... ª

Les mots quittaient mes lèvres avec une lenteur toute calculée, mon ton devenait dur et glacial, faisant sonner chacune de mes syllabes comme le glas d'une prochaine mort. J'étais prête à exploser. Prête à commettre l'irréparable, maintenant...
Mais j'avais encore assez de retenu pour attendre la réponse de mon Paon... c'était même sa réponse qui allait décider de mon prochain geste... ou plutôt de la prochaine exécution.

Hrp// Après deux suppressions involontaires, j'y suis enfin arrivé !! T^T

Il y avait une chose que Yûteki détestait plus que tout au monde, et cette chose était de revêtir le rôle de la proie sans défense.
Et malheureusement, la situation actuelle tendait à le compter dans cette catégorie.
Comment en était-il arrivé là? Pourquoi avait-il arraché Sachiko des griffes de Saura? Yûteki aurait dû deviner que cela allait tourner ainsi s'il se mettait en travers de son plaisir.
Acculé contre le pilier du lit à baldaquin, Sachiko dans les bras, Yûteki se maudissait silencieusement d'avoir agit de manière si stupide. Face à lui, Saura le dévisageait presque derrière son masque imperturbable. Mais à voir la lueur incandescente qui brûlait au fond de ses yeux, Yûteki sentait qu'il ne s'en sortirait pas sans encombre.

La jeune femme aux cheveux roux avançait lentement, d'une manière si détachée qu'on aurait cru voir un funambule marchant sur le fil invisible du parquet. Sa démarche avait tout de celle d'un prédateur prête à fondre sur sa proie... A cet instant, il ressentit une appréhension qu'il n'avait expérimenté qu'à de rare moments dans toute sa vie.
Saura n'était plus qu'à quelques centimètres maintenant. Mais plus elle approchait des deux adolescents, plus les tremblements de Sachiko s'amplifiaient, au point que les spasmes qui secouaient son corps commençaient à gagner celui de Yûteki.
Jusque là, ses larmes s'étaient retenues de couler, mais sa gorge avait commencé à produire des couinements de terreur sans qu'elle ne parvienne à les calmer.
Si Yûteki ne l'avait pas tenu si fermement au point de laisser des marques sur son corps, Sachiko se serait enfui à toute jambe.

*Ce qui aurait marqué notre arrêt de mort à tous les deux...*

Cette situation était tout bonnement la plus cauchemardesque que Yûteki avait vécu jusque là. Si Saura n'avait pas été en face de lui, il aurait su quoi faire, mais le problème était là: c'était bien Saura qui lui faisait face.
Et le seul moyen de la calmer dans cet état, Yûteki le savait, c'était de lui offrir ce qu'elle souhaitait: Sachiko. La mine sombre de Yûteki était plus parlante que quoi que ce soit. Lui donner la gamine, c'était comme la tuer de ses propres mains...
Et pourtant, c'était la seule solution qu'il envisageait.

*Je n'ai pas d'autre choix...*

La main de Yûteki remonta doucement jusqu'à la gorge de Sachiko. L'utsuwa referma sa prise avec tant de fermeté que la jeune fille ne pouvait même plus dégager la tête de son étreinte. Seule ses lèvres exprimaient l'horreur qui habitait ses yeux.

Hrp// Mon héros ! ^3^

A la vue de cette main s'emparant de la gorge blanche de Sachiko, je senti mon sang fouetter mes tempes à une telle vitesse que je failli m'emmêler les pieds dans ma longue robe de chambre.

Soudain immobile, je me tenais coi devant le revirement d'attitude de Yûteki. Mes lèvres s'arquèrent d'un sourire sanguinaire tandis que je contemplais les phalanges de mon Utsuwa. Contractées par l'effort, les os de sa main saillaient sous sa peau lui donnant une adorable couleur cadavérique. Mais le teint de Sachiko était encore plus excitant à mes yeux, je voyais sa lèvre supérieure tressaillir de plus en plus vite au fur et à mesure que les doigts de Yûteki remontait sur sa gorge, mais le regard terrifié qu'elle m'offrait était un cadeau plus agréable encore.

Je me pris à croiser les mains devant mon visage, cachant innocemment le long sourire qui s'étirait sur ma face. Si ce geste pouvait trahir mon excitation, mes yeux se révélèrent être des fenêtres limpides. Je ne cherchais plus à cacher ma joie, j'avais ce que je voulais après tout.

-Continue ! Vas-y ! ©

Mes doigts dansèrent à la mesure des battements de mon coeur. Je n'arrivais plus à tenir en place, il fallait que mon corps serpente sur place tandis que je lisais chaque veine qui apparaissait sur le dos de la main de mon compétiteur favori.

*Ne me fais pas languir !*

Saura s'était immobilisée à moins de vingt centimètres d'eux. Yûteki se prit à apprécier de voir le visage de sa maîtresse retrouver ce sourire de joie malsaine. C'était déjà un bon point si elle affichait ce nouveau faciés, elle n'avait déjà plus l'air de vouloir nous écarteler vif...
Mais sa nouvelle attitude n'allait pas non plus assurer le succés de la manoeuvre de Yûteki...

*C'est quitte ou double...*

D'une légère torsion du poignet, Sachiko se retrouva au-dessus du sol pendant quelques secondes, tournant le dos à Saura. Pendant ce bref interlude, Yûteki croisa les pupilles dilatées de la gamine.

*Pardon...*

Il la rejeta violemment à travers la pièce. Dans un bruit violent et sourd, elle atterit sur le plancher, sa tête allant jusqu'à heurter la porte de la chambre. Mais si le choc avait dû être violent, elle réussit tout de même à se redresser, prête à recevoir le coup de grace.
Mais le coup ne vint jamais. Yûteki n'avait pas fait le moindre pas dans sa direction pour l'achever. Il était resté sur place, fixant sa maîtresse de ses yeux sombres.

-Allons, tu devrais me connaître, Saura.


-Je ne laisserai pas cette gamine me voler la vedette. S'il doit y avoir quelqu'un qui doit te divertir ce soir, ce sera moi et moi seul.

L'Utsuwa s'agenouilla humblement, mais ses yeux rivés dans ceux de Saura ne laissaient rien dévoiler de sa soumission, seul son sourire carnassier enjoignait sa maîtresse à agir à sa guise.

J'allais de surprise en surprise. Le spectacle de Sachiko volant à travers la pièce fut assez impressionnant. Autant je ne m'y étais pas attendu, mais autant ce nouveau jeu me parut franchement amusant.
Voir cette gamine s'écraser au sol comme une marionnette coupée de ses fils était adorable. Mais cela n'était qu'une toute petite joie, très vite effacée par mes attentes.
C'est avec une impatience mal dissimulée que j'attendais le moment où Yûteki allait lui fracasser le crâne contre la plinthe du mur.

Mais lorsque mon Utsuwa se figea sous mes yeux, je fus d'abord interloquée.

-Allons, tu devrais me connaître, Saura.
Je ne laisserai pas cette gamine me voler la vedette. S'il doit y avoir quelqu'un qui doit te divertir ce soir, ce sera moi et moi seul.

Il s'était agenouillé à mes pieds, ne cessant de capter mon regard.
Sachiko avait disparu de mon esprit, si vite ellipsée par ce jeune homme aux cheveux blancs qui m'offrait un tableau si fascinant.

*Ahaaaa !*

Mes pulsions meurtrières revenaient malgré moi... C'était sublime ! Je sentais à nouveau mes mains retrouver cette vigueur perverse tandis que je passais mes doigts dans les cheveux de Yûteki, mes ongles labourant tendrement ses oreilles.

Après tout, Sachiko nous avait bien interrompu en plein milieu de notre trip... autant le reprendre là où il s'était arrêté.

-Divertis-moi dans ce cas.

Yûteki ferma les yeux tandis que les doigts de sa maîtresse dansaient sur sa nuque. Il réprimanda une grimace agréable lorsqu'il sentit les ongles de Saura le titiller.
Mais si ce geste avait pu paraître agréable au premier abord, Yûteki savait ce qui l'attendait par la suite... Et cette pensée n'avait rien d'agréable, bien au contraire, il redoutait que son propre corps devienne lui aussi victime des sévices que Sachiko affichait.
Finalement, il était bel et bien piégé... Même s'il pouvait se féliciter d'avoir sauvé au moins une personne...

Le jeune utsuwa ouvrit une paupière et darda son oeil ouvert dans la direction de Sachiko. Elle était toujours dans la pièce. Toujours avec cet air terrorisé... mais les larmes étaient de sortie cette fois-ci. Et elles coulaient plus abondamment que jamais.

*Va-t'en idiote... Prends tes jambes à ton cou et quitte cette pièce...*

Mais elle ne bougea pas.
Yûteki se désola de ne pas avoir pu développer son don de télépathie -si jamais il avait eu le moindre don de ce genre-.
Avec détachement, le jeune homme se leva doucement, caressant du bout du nez la longue robe de chambre de Saura.

-Mais avant, commença-t-il de sa voix la plus sensuelle possible, j'aimerais un peu plus d'intimité...

Sans autre modalité, Yûteki décrochait délicatement les mains de Saura de ses tempes et se dirigeait vers la petite forme prostrée de Sachiko. Il l'empoigna par le col et la traîna jusqu'à la porte.
D'ici, il ouvrit le battant et la jeta dehors sans aucune douceur.

-Nous n'avons plus besoin de tes services, Sachiko. Retourne à ta cuisine.

Le jeune Utsuwa s'exprimait maintenant d'une voix froide et détachée, camouflant au mieux l'appréhension morbide qui faisait battre son coeur.
Il referma avec douceur le battant, tandis que la petite fille prostrée dans les ténèbres du couloir remuait ses lèvres. Sa voix ne fut qu'un murmure inaudible, mais Yûteki put clairement lire sur ses lèvres.

-Pourquoi?..
-...

Tu m'as sauvé une fois ce soir...
Je n'ai fait que payer cette dette...

Ces paroles susurrées, Yûteki ferma la porte et verrouilla celle-ci de l'intérieur. Avec un pincement au coeur, il posa son front contre le battant de la porte et se mordit la lèvre.

*Allez mon grand, tu t'enorgueillis d'aimer souffrir, qu'est-ce que tu pouvais espérer de plus?*

Sa propre ironie le fit sourire malgré lui. C'était désespérant.

-Tu disais, Yûteki?

Je ne pense pas qu'il m'ait entendu l'approcher, j'en étais même persuadée, mais peut-être m'étais-je trompée. Je l'avais entendu échapper un murmure. Au départ, j'avais cru qu'il s'adressait à moi, mais je n'avais pas réussi à décrypter ses paroles correctement. Peut-être avait-il parlé à voix basse pour lui-même... ou pour Sachiko?...
Si quelqu'un avait pu occuper mon corps pendant un instant, je suis certaine qu'il aurait identifié cela comme de la jalousie, mais il y avait longtemps que j'avais chassé ce sentiment de mon répertoire émotionnel. Il n'y avait pas de jalousie lorsque l'on était le maître de tous les coeurs d'une maisonnée... Car rapidemment, les objets de jalousie disparaissaient très vite...

Derrière Yûteki, tapie entre ses omoplates, je posais doucement l'oreille contre son dos, écoutant son coeur qui allait tambour battant. Je fus cependant ravie de sentir son rythme cardiaque s'acélérer lorsque j'entrais en contact avec lui.

*Il est si adorable... j'aimerais bien l'empoigner à pleine main... ce petit coeur...©*

Je le sentais se tendre tandis que mes mains glissaient sur ses épaules. Mais cette rigidité atteignit son point culminant tandis que je bandais les yeux de mon utsuwa avec une étoffe de soie noire qui trainait sur ma coiffeuse.
Je la nouais avec une délicatesse assez ferme, tirant doucement la tête de mon petit favori vers moi et lui murmurant des mots tendres.

-Et si nous allions te saigner correctement,... Yûteki?

Ma voix s'emballa d'un léger accent tandis que je terminais ma phrase, ne cachant nullement le doux frisson qui embrasait mon corps.

Personne ne pouvait imaginer quel choc ce fut pour Yûteki que de sentir au dernier instant la présence de Saura dans son dos... S'il avait été cardiaque, il y a de ça longtemps qu'il aurait collapsé.

*A-t-elle entendu ce que je viens de dire?*

A la distance où elle se trouvait, il se pouvait qu'elle n'ait rien capté de ses murmures. Mais à la sentir si près de lui, Yûteki ne pouvait plus être aussi sûr de cela.

-Je disais... "ça m'ôte un poids, de ne plus la voir"... "je n'ai plus qu'à faire la fête"...

Les mots sonnaient sensiblement de la même manière... c'est au moins ce qu'espérait Yûteki. Sa sérénité n'allait pas se gagner si facilement.

*Hum?*

Qui avait éteint la lumière?
Le jeune homme sentit la bande de tissu se nouer derrière sa nuque, quelques cheveux cédèrent lorsque Saura tira d'un coup sec pour serrer le noeud du ruban. Maintenant, Yûteki ne voyait absolumment rien...
A part peut-être la soie noire vu au microscope. Avec la faible lumière qui reignait dans la pièce, il ne voyait tout simplement rien, mais il était persuadé de discerner les mailles qui composaient le voile qui le rendait aveugle.
Se sentant tiré en arrière, il perçut le souffle chaud de sa maîtresse sur son oreille.

-Et si nous allions te saigner correctement,... Yûteki?

... Elle était en pleine forme...

*Gasp*

-Je n'attends plus que toi, princesse,fit-il de sa voix la plus tentatrice.

Oui, vous devez certainement vous demander comment notre Paon pouvait bien s'être débrouillé pour rester vivant pendant toutes ces années avec une telle attitude face au danger?...
L'esprit de contradiction peut-être... envers soi-même? Oui, raison de plus encore. Ce qui ne l'empêchait pas d'avoir franchement la trouille à cet instant là.

-Je n'attends plus que toi, princesse.

J'avais donc sa permission. J'avoue que même sans son accord, je me serais octroyé le droit de disposer de lui. Mais il n'y a pas de plus grande joie que de voir que votre partenaire de jeu est aussi motivé que vous.
Même si sa motivation était en partie alimentée par sa peur. C'était toujours mieux que rien! Je déteste les gens qui ne font aucun effort pour vous plaire, ça ne rend le jeu que plus violent et plus court, sans compter qu'on en retire beaucoup moins de plaisir à la fin.

-Parfait ! Amusons-nous dans ce cas !

Je tirais doucement sur la queue de son bandeau de soie, l'emmenant doucement avec moi dans la pièce. Maintenant que je guidais ses pas dans ma chambre, je ne pouvais pas m'empêcher de savourer ce sentiment de toute-puissance qui irradiait sous mes doigts.
Avec toute la douceur que je pouvais employer, malgré mes spasmes d'excitation, je l'amenais au centre de la pièce, juste sous les chaînes qui pendaient du plafond. A son approche, la tête de Yûteki effleura les liens d'acier, commençant à les faire chanter.

Le concert alla bon train tandis que le spectacle sonnait ses trois coups.
J'emprisonnais le poignet droit de mon Utsuwa dans l'une des nombreuses sangles métalliques qui flottaient.
Mon coeur commença à battre une nouvelle mesure.