Une petite vie...

"-I'M THE KING OF THE WORLD !!!!!"

La voix puissante avait fait vibrer l'air sur plusieurs centaines de mètres à la ronde, à coup sûr. Pour avoir pratiqué sa voix lors de ses entrées dans l'arène, Yûteki en était certain, l'Autre devait l'avoir repéré. Forcemment... Ou alors, en plus de son oeil crevé, Il devait être sourd comme un pot...
Avec ça, s'il ne venait pas à lui pour en découdre...

Yûteki avait déployé son large éventail de défense derrière son dos. Droit comme un i, dans la posture d'un paon en pleine majesté, l'Utsuwa guettait le moindre mouvement autour de lui. Au milieu des anciennes ruines, dressé au sommet d'un monticule plus imposant que les autres (à vrai dire, le monticule était un amas de pierres informes, rongées par le temps, qui ne faisait pas plus de deux mètres de haut, mais malgré cela, notre paon se sentait toujours en majesté.).
Immobile, le jeune guerrier aux cheveux blancs gardait le regard sur tout ce qui l'entourait. L'Autruche avait le terrain entier où se cacher: en plus de la forêt aux alentours, il avait à sa disposition des pans entiers de murs qui s'étiraient tout autour de la position de Yûteki. Une attaque pouvait surgir de n'importe où, mais le jeune gladiateur avait choisi cet emplacement pour cela: il aimait ce jeu de cache-cache... enfin... c'était le seul jeu qui lui venait à l'esprit. Même s'il n'en connaissait pas les règles, ni même la principale qui consistait à se cacher en attendant de se faire attraper.
Là, notre paon favori revisitait ce jeu, c'était à la personne dissimulée de l'attraper lui.

*Hum?*

Une goutte de sang coula sur son arcade sourcilière. Le jeune homme haussa un sourcil et une longue écharde de bois glissa de sa chevelure poussièreuse et roula sur le sol.

*J'avais pourtant bien précisé qu'on avait pas le droit de jeter les bâtiments alentours sur son adversaire... et il fallait que cette cabane pourrie soit sur le chemin...*

A cette pensée, son estomac grogna. Moins fort que son cri de triomphe, mais à l'oreille le grognement s'équivalait...
L'Utsuwa leva sa main libre au-dessus de sa tête. La manche sur son bras tomba et là où aurait dû se trouver son éventail d'attaque, Yûteki tenait une tranche de jambon fumé (une trouvaille qu'il avait trouvé par hasard lorsque son camarade et rival l'avait projeté au sol, une chance s'était-il dit, jusqu'à ce jour, Yûteki ne savait pas que la viande poussait dans le sol).
Un coup de dent vorace trancha la viande fumée et calma un peu son appétit.

C'est dans des moments pareils qu'il est possible de se demander : pourquoi ? Oui, pourquoi avait-il eu cette idée ? Une idée ? Mais quelle idée ! Cela ne tenait guère du génie, oh non, loin de là ! Ce n'était rien d'autre qu'une bêtise, une gaffe... une erreur. Mais Pourquoi ? Sincèrement, il ne le savait pas. Il y avait plus simple comme méthode. Il n'était pas obligé d'en passer par là et pourtant.... oui pourtant il n'aurait aimé aucune autre solution. Cependant.... se sentait-il obligé de HURLER ainsi ?

Yûta assit derrière un rocher, Yûyake sur ses genoux, écoutait son compagnon de jeu s'époumoner. Le vide de ses paroles prouvaient que le silence était parfois préférable, d'autant plus qu'il n'avait nullement le droit de se déclarer 'roi du monde', il ne l'était pas. Il n'était qu'un éternel second. Le Roi, c'était lui, point. Quoi que... la hiérarchie avait peut-être changée depuis son absence, il ne s'était pas renseigné et actuellement aucun nom n'était parvenu à ses oreilles pourtant attentives. Il devait bien reconnaître qu'il n'était pas encore passé par les terres peuplées. Il n'était pas encore tout à fait prêt à affronter les regards. Et s'il était reconnu ? Non... Il ne voulait pas aller retrouver cet univers qu'il avait quitté durant tant d'années... Il devait procédé par étape et la première était cet énergumène qu'il avait contacté il y a quelques temps de cela par une minute : "Aux ruines, dans quatre jours." et il avait signé d'un simple H. Message suffisamment court pour être compris et suffisamment imprécis pour être pris pour une provocation. Comment ce gamin aurait-il pu refuser ? Revoir un ancien compagnon, même s'il n'en connaissait pas la raison devait lui suffire et puis ils avaient tellement de choses à rattraper..... Le plus important ? Trois ans de stupidité exprimée par des combats peu glorieux...

*Mais le temps avec lui se rattrape si vite... *
Yûta ne regrettait pas particulièrement sa décision de revoir son.... cette créature. Mais il ne pouvait s'empêcher d'être blasé du comportement de cette dernière. Elle était fatigante, il l'avait oublié, ou il avait fait exprès d'oublier, il ne savait plus. Il ne se souvenait que d'une chose, il ne voulait se souvenir que d'une chose : leurs combats étaient toujours ce qu'il y avait de pire.
Pourtant il devait le reconnaître, il aimait ça tout comme il aimait jouer à cache-cache mais ce qu'il aimait par dessus tout c'était...

"Merci pour la viande !"
...CA.
En un battement de cils il s'était retrouvé près de son cher rival, appuyé dos à dos, ou plutôt dos à éventail, sur ce dernier. D'un geste il lui avait arraché le bout de nourriture -si cette chose pouvait se nommer ainsi- et il l'observait de son unique oeil d'argent d'un air méfiant. L'aliment était plein de poussières. Comment pouvait-il se résoudre à manger cela ? Sa maîtresse le nourrissait-elle si mal ? Yûta se souvint alors des plats offerts par son maître : son ventre lui rappela sa faim. Pourtant aussi affamé pouvait-il être jamais il ne se résoudrait à manger une horreur pareil. Il ferait sa chasse lui même, plus tard, s'il en avait encore l'occasion. D'un geste vif, il jeta le morceau. Celui-ci traversa rapidement les airs et un étrange son se fit entendre... le genre de son qui indiquait que la viande s'était heurtée à un autre type de viande. Yûta n'eut nullement besoin d'accorder un regard pour savoir qu'une personne se tenait là bas derrière, à dire vrai il l'avait repéré depuis un petit moment...un tout petit moment. Il ne restait, à présent, plus qu'à savoir si son geste était une provocation ou non à l'égard de l'inconnu.

"Ta voix se ferait-elle plus grosse tandis que tes jambes se font plus lourdes ?"
Yûta s'était à nouveau déplacé, il n'avait pas voulu donner une chance de réactions, et il se tenait dès à présent posé sur une pierre plate. Son unique oeil observait Le Paon. Il se tenait face à lui. Il était inexpressif. Il attendait sa réaction, celle-ci serait sûrement bruyante, accompagnée d'une réplique ou d'une insulte... peut-être.

*... Et Le Paon fait la roue. Et Le Paon chan-te : Regardez-moi, regardez-moi, re-gar-dez-moiiii*

"Hmm... Et dire que je pensais être tranquille ici..."

Un rapide coup d'œil lui fit prendre conscience de la situation, tout était à refaire ou presque. Cela ne le gênait pas vraiment, ce qui avait été démolie serait reconstruit. En revanche, il était plus embêté par la viande qui était devenue source de toutes les attentions. Le jeune loup se mit en chasse de sa proie et attendit le moment opportun pour frapper. La viande jetée en l'air se retrouva rapidement harponnée par les ronces qu'il avait au poignet et il l'attrapa dans un bruit sourd. Il porta son festin (toute proportion gardée) au niveau de ses narines et ne détecta aucune trace de sueur, cela devenait intéressant... Le morceau de viande était passé par les mains de ces deux jeunes hommes mais aucun n'avait les mains moites qui aurait pu trahir un signe d'anxiété, il avait donc devant lui plus que des beaux parleurs.

Tout en nettoyant sa viande il parla aux deux personnages sans vraiment les regarder, il se foutait un peu de se qui se passait sous ses yeux...

"Je vous reprends ça..."

Il grimpa sur le mur et observa les deux utsuwa. Ceux la avaient l'air forts, cela changeait de ces lopettes qu'il avait écrasé par le passé... De manière générale les bons combattants se faisaient rares, et cela quelque soit la classe. La tension qui régnait un peu plus bas était presque palpable, un peu comme cette pression juste avant l'orage. Les muscles se tendaient peu à peu et bientôt toute cette énergie accumulée se libérerait dans une danse mortelle dont seul l'un des deux sortirait.

Azhdar se mit à l'aise et d'un mouvement vif et fulgurant fit claquer son sabre pour se couper une tranche. Pendant une fraction de seconde l'arme émit un chant aigu et cristallin. Azhdar commença à mastiquer d'un air placide et regarda ce qui fut pour lui un divertissement. Dans un premier temps, il se concentra sur le porteur d'éventail. Il ne cachait pas ses efforts pour se faire remarquer... Pourtant ce comportement le lassa et bien vite il reporta toute son attention sur l'autre qui lui paressait beaucoup plus intéressant. En inclinant la tête, Azhdar évalua après un premier regard celui qui portait le bâton noir et or. Concrètement s’il avait eu de l'argent, c'est sur ce dernier qu'il le parierait.

Sans qu’il puisse dire pourquoi, le second avait par sa discrétion un charisme inconstatable et on avait réellement l’impression qu’il avait plus de substance que son homologue qui faisait dans la surenchère. Pour lui et de manière générale, plus un combattant était discret plus il était versé dans son art. Cet apriori pourtant n’était pas le seul motif qui décida de sa préférence, pour le reste, Azhdar faisait parler l’instinct… Par conséquent, le jeune homme préféra étudier les mouvements de ce dernier, tout en jetant bien entendu un petit coup d’œil de temps en temps à son adversaire histoire de vérifier ses propos.

"Merci pour la viande !"

La voix était si proche de son oreille... pendant une unique seconde, Yûteki avait sentit le contact de son adversaire contre son éventail. Le cerveau du jeune homme se tendit comme une lame de rasoir, acérée, vif et précise. Immédiatement, il rétracta les branches de l'éventail déployé dans son dos tandis que le morceau de viande se dérobait sous ses doigts. Trois secondes.
Dans un demi-tour, Yûteki plia son bras libre dans un angle offensif et envoya son coude dans la direction du visage de son rival. Quatre secondes.
Dans son mouvement, le guerrier aux cheveux blancs avait entraperçu les lèvres de Yûta remuer une littanie de mots. Avant de battre en retraite.
Le coude de Yûteki ne rencontra que le vide. Mais un vide vraiment vide. Pas de celui que l'on rencontre normalement après un coup manqué de justesse. Habituellement, il restait toujours un certain résidu, une trace de la présence de son adversaire à l'endroit où il s'était trouvé auparavant, mais là... rien. Du vrai vide.
Au fond de son crâne, un mécanisme reptilien s'était déclenché: quelque chose clochait.

"Ta voix se ferait-elle plus grosse tandis que tes jambes se font plus lourdes ?"

Une veine gonfla quasi-instantanément sur le front de l'Utsuwa, déconnectant le cerveau de Yûteki de sa réflexion lézardienne profonde. Il laissa échapper un rictus amusé.

"-Si ton pied est toujours léger, ta langue est toujours aussi gonflée. Je vais me faire un plaisir de te l'arracher, petit perroquet."

L'instant d'après, tout droit sorti de sa manche, l'éventail vermeil de Yûteki apparut entre ses doigts et se déploya dans un vif mouvement de poignet. Le demi-soleil sanglant qu'était l'arme apparut comme le reflet inversé du long sourire qu'arborait Yûteki à cet instant.
Son éventail blanc reposait dans sa paume, son oeil immaculé resta clos, seule son armature de bois patiné daignait encore se montrer. Et pendant un sublime instant, Yûteki laissa le silence s'installer confortablement.
Seul le faible son du vent caressant les feuillages et le murmure des anciennes pierres étaient audibles. Et bien plus loin, surfant sur la vague de silence, une nôte cristalline pareille à un diapason signait le silence d'un "La" faiblissant. Le son d'une tranche de jambon que l'on découpe suivit la note de musique aigrelette, mais Yûteki s'en fichait, toute son attention était porté sur le corps éffilé de son vieux compagnon.
Trois ans... trois ans qu'ils ne s'étaient pas revu. Oh! combien lui mettre une bonne raclée lui avait manqué. Il s'abreuva de cette nostalgie ambiante comme un enfant trempe ses doigts dans un pot de miel. Ils avaient trois ans à rattraper et que faisaient-ils donc? Ils se battaient, à nouveau, comme au bon vieux temps.
Yûteki avait tant de choses à dire... Alors autant en profiter maintenant ! La plus importante des questions d'abord...


" -Tu n'aurais pas perdu tes poignées d'amour pendant ces trois ans d'absence ? "

"- Si ton pied est toujours léger, ta langue est toujours aussi gonflée. Je vais me faire un plaisir de te l'arracher, petit perroquet."
Et au perroquet de lui répondre :
"Cause toujours ma belle perruche."

Yûta continuait d'observer vaguement Yûteki avant de fermer les yeux, son visage sans ce regard vide retrouvait un air serein et son sourire imperceptible se tenait en coin de lèvres. Il appréciait le silence qui s'installait mais il attendait impatiemment le prochain mouvement de son opposant. Celui-ci avait sorti son petit éventail, pensait-il passer à l'attaque ? Si tel était le cas, il était prêt à l'accueillir : son bras reposait autours de Yûyake qui gisait contre lui, s'appuyant sur son épaule, toute lame rangée.

Le Héron sentait le regard de l'inconnu sur sa personne. Depuis quelques instants il avait la désagréable impression d'être attentivement observé. Cela eut pour conséquence de lui rappeler les Kyôgi. Il en avait mené tellement sous le regard de la foule excitée, enragée, révoltée. Il se souvenait des regards braqués sur lui, tous attendant sa victoire ou -bien que cela fut plus rare- sa perte. Il entendait encore leurs cris et il pensa que tout cela ne lui manquait pas : se donner en spectacle ne lui était pas vital ; contrairement à l'autre. Dommage pour celui-ci qui tenait tant à se faire remarquer mais la réalité était ainsi : Yûta était le coeur de l'attention.

*Cela va l'énerver...*
Mais peut-être qu'avec l'âge il s'était assagit ? Le jeune homme se permit d'en douter et puis.... ce ne serait plus comme avant si tel était le cas... Oh, bien sur les choses devaient évoluées cependant il y avait certaine chose qui se devait de rester constante : à commencer par Yûteki.
* Sinon je le taquinerais sur quel sujet ?*
A peine avait-il eu cette pensée que le silence fut brisé par une phrase qui manqua de le faire rire sur la stupidité de sa pensée.
*Qui qu'il arrive, il me tendra toujours la perche.*

"Ma taille s'affine et ta tête enfle, l'équilibre est gardé."
Il marqua une légère pause, entrouvrit un oeil, de préférence celui qui était en état de fonctionner, et fixa de son regard vide Yûteki.
"Vérifions qu'elle soit pleine, veux-tu ?"

A peine sa phrase fut-elle terminée qu'il prit son élan. Son pas léger défila à vive allure, son manteau flottait derrière lui et Yûyake se tenait le long de son bras, dans son dos, prêt à être utilisé au bon moment, celui-ci ne tarda pas à venir. Arrivé à quelques pas de son rival, le jeune homme effectua un brisé. Il n'y allait pas à pleine puissance mais sa vitesse et sa force étaient largement suffisantes pour en dérouter plus d'un. Quand à Yûteki, lui, il n'aurait aucun problème. Yûta s'attendait même à entendre un commentaire sur la lenteur de son attaque. Sur la liste des dix premiers Utsuwa de Tochi, ils étaient les deux sommets, ou les jumeaux dont il était impossible de faire le départ, et la frappe actuellement portée pouvait aisément être arrêtée par le dernier des dix : ce qui en soit restait d'un bon niveau.

Cependant le coup n'était pas fait pour attaquer sérieusement Yûteki. Bien que Yûta prêtait toute son attention à son adversaire, il gardait en tête la présence de l'inconnu et cette attaque était pour lui. En effet, le jeune homme voulait vérifier les réactions de l'inconnu. Il voulait voir si ce dernier serait impressionné par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux, impressionné, excité, ou laissé froid ?

Force, équilibre, précision, tout était bon. Les deux rivaux avaient l'air de se connaitre de puis longtemps et pourtant ils arrivaient toujours à se surprendre et il fallait bien reconnaitre que c'était un point très intéressant. Pourtant un petit détail l'ennuyait quelque peu, le jeune homme à la balafre avait fait une attaque qui, il le sentait lui était plus destiné qu'a son adversaire du moment. Dommage, non seulement il était clair qu'il retenait ses coups mas en plus de cela il ne faisait pas attention à son adversaire qu'il sous estimait suffisamment pour ne lui adresser les attaques qu'a moitié en encore même pas à plein potentiel.

Azhdar réfléchissait dans une moue dubitative, fondamentalement, ces deux individus n’avaient plus vraiment de progrès à faire sur la technique, sur le mental il n’y avait plus beaucoup de progrès à faire non plus. Même si lui se contentait d’être plus réservé pendant les combats, il était forcé de reconnaître que ces deux utsuwas pouvaient se permettre quelques vantardises, ils avaient la substance nécessaire pour justifier ce comportement.

Cet endroit était vraiment intéressant, d’un coté il avait l’air de regorger de combattant d’un niveau tout à fait acceptable, de l’autre, il ne comprenait par vraiment pourquoi tous vivaient sous la joute de maitres qui ne méritaient pas toujours tant de dévotion. Décidemment, cette île était bien étrange…

Maintenant ce qu’il voulait voir, c’était voir les deux combattant dans un combat un peu plus sérieux, pour cela il s’adressa au jeune homme qui portait les éventails et lui dit d’un air qui se voulait naïf et tout à fait sérieux :

« Dis moi, pourquoi ton compère a-t-il le pied plus agile que toi ? Cela semble bien mal parti et il est obligé de contenir ses coups, cela doit être chiant… »

Azhdar tentait un pur coup de bluff, celui était très fort lui aussi et il gageait que la machine n’avait pas finie de monter en puissance. En revanche il se doutait que cette petite remarque allait le motiver quelque peu, son exubérance trahissait un besoin d’attention qui devait être assez important. Ainsi, en valorisant son adversaire qui était plus discret il était sur de faire mouche. Pour l’autre jeune homme, il ne se faisait pas de soucis, de ce qu’il avait vu, lui aussi avait de la ressource et par conséquent était tout à fait capable de gérer la situation même si cette dernière s’accélérait considérablement.

L'Utsuwa aux cheveux de neige ignora ouvertement la remarque de son rival.
Dans son for intérieur, Yûteki savait pertinemment que s'il répliquait, Yûta en ferait de même et ainsi de suite. Cela dans une perpétuelle lutte verbale sans nulle autre fin jusqu'à ce que l'un des deux combattants se trouve à cours de salive (ou que l'un ait la machoire suffisamment démolie pour se taire).

Mais le coup qui venait droit sur lui... ça au moins il pouvait l'arrêter. En une simple impulsion du poignet, l'éventail défensif de Yûteki exécuta un arc parfait et sa tranche vint se déposer au creux de son épaule. Le bois encaissa le choc du brisé sans même se tordre. L'onde de choc du coup se propagea tout de même dans l'épaule de l'Utsuwa. Le coup avait été dur, mais pas si puissant qu'il s'y attendait. Yûteki avait déjà reçu de meilleurs attaques de la part de son rival, son corps s'en souvenait, et à cet instant, son corps en demandait plus !

L'éventail qui avait supporté l'assaut se déploya subitement, le tissu blanc sembla jaillir comme un coup de feu et une roue majestueuse se mit à fleurir comme un lotus en pleine écclosion. Mais si le spectacle pouvait être beau à voir, l'Utsuwa n'avait nullement eu l'envie de se la jouer artistique: cette unique manoeuvre n'avait eu que pour but de dévier le bâton de son am... ennemi !...
L'arme suivit donc la courbe de l'éventail et vint se loger dans les côtes de Yûteki. Le choc fut sourd et brut, mais cette caresse n'était rien pour le gladiateur, elle le chatouilla presque.
Un pas en avant et une torsion du buste plus tard, le bâton de Yûta se trouvait pris en sandwich entre l'éventail et l'abdomen de Yûteki.

*Maintenant, il est à ma portée.*

En effet, au bout de son bâton, Yûta était désormais à portée de son bras armé.

-Tching-
D'une simple pression, le mécanisme de l'éventail se déclencha, révélant les lames rétractables qui hérissaient maintenant la courbe de son éventail offensif. Le demi-soleil vermeil se voyait pouvu de dix dents d'acier de six centimètres de longs chacune.
Il frappa.



« Dis moi, pourquoi ton compère a-t-il le pied plus agile que toi ? Cela semble bien mal parti et il est obligé de contenir ses coups, cela doit être chiant… »

La veine sur le front de Yûteki parut exploser.
Son bras armé se plia. Il libéra l'arme de Yûta en desserrant sa prise et exécuta un demi-tour dans la direction de la voix, dos à Yûta. Son bras claqua comme un fouet, la soie de l'éventail rouge cingla l'air et un éclat métallique tinta comme un bruit de clochette.

Un éclair de vif argent brilla sous le soleil. Le projectile se ficha dans le tronc d'un arbre. Juste au-dessus du crâne d'Azhdar. Le couteau de lancer continua de tinter, vibrant comme un diapason même ainsi planté dans l'écorce du vénérable arbrisseau.
Une lame manquait sur l'éventail de Yûteki, une lame se trouvait ficher dans le tronc, mais aucun blessé à déplorer... malheureusement...

*Flûte... j'ai pas pris en compte la distance et la force du vent... CRAP... j'ai pas interêt à le manquer s'il faut que je gâche encore un projectile...*

Yûteki ne faisait plus attention à Yûta. Même si celui-ci était maintenant très bien placé pour lui coller un bon coup de canne en travers de la colonne vertébrale, il savait qu'il ne le ferait pas... à moins que Yûta ne soit devenu encore plus fourbe pendant ces trois ans...
Baaah... de toute manière, s'il le frappait, Yûteki n'en tirerait que plus de plaisir: il se sentait chaud !
Ecumant d'une semi-rage, Yûteki toisa le beau parleur. Son regard était franc, cynique et froid, tandis que son sourire oscillait entre bienveillance et cruauté. Sa lèvre tressautait nerveusement, le tic apparent d'une tempête qui entre en collision avec un cyclone et trébuche sur un volcan en pleine éruption. Mais sa voix était solidemment ancré dans l'air tandis qu'il brandissait son éventail en direction de cet inconnu.

-Tu crois que j'ai besoin de tes commentaires pour comprendre que cette buse se retient !?!!? Occupe-toi de tes affaires avant que je vienne te réclamer une taxe pour le spectacle que tu es en train de voir !

Nullement inquiété de constater que son arme se retrouvait maintenue, Yûta observait de son unique oeil d'argent son adversaire avec son petit sourire en coin qu'il sentait à peine plus marqué qu'à l'ordinaire. C'était ce qu'il appelait l'effet Yûteki, un effet qu'il ne comprenait pas mais qui au fond n'était pas particulièrement désagréable... lorsqu'il pouvait le savourer complètement. Or ceci ne pouvait avoir lieu qu'en absence de regard alentours ; ce qui n'était actuellement pas le cas.
Le jeune homme ferma les yeux. Il prêta son ouïe au combat, écoutant le léger son métallique de l'éventail. Il sentait l'attaque se préparer. Il en traçait déjà le trajectoire, calculant ses possibilités afin de parer ou tout simplement de s'évincer d'elle. Seulement alors qu'il attendait la dernière seconde, le coup fut dévié et Yûyake libéré.
L'inconnu venait de distraire Yûteki.

Sentant que ce dernier lui faisait dos, Yûta prit son arme à deux mains. Il la tint le long de son corps et s'apprêta à porter un coup avant de réaliser que le Paon ne lui prêtait plus la moindre attention. Qui que fut cet homme là-bas perché, il venait de lui voler son adversaire. Le Héron en était vexé, leur retrouvaille se voyait interrompue. Néanmoins, il s'y était attendu. La présence d'un tiers ne pouvait que divertir ce rival intenable et imprévisible, d'autant plus si l'autre venait le provoquer.
Sans un mot, sans un regard ni un soupir, le jeune homme se détourna de la personne qui fut son adversaire et se servant de Yûyake comme canne d'aveugle, il se dirigea vers les restes d'un mur sur lequel il s'assit. En temps normal il serait parti, jugeant qu'il n'avait plus aucune raison de rester ici cependant le temps n'était pas normal. D'une part parce qu'il voulait savoir ce qui allait se passer mais surtout parce qu'il n'avait pas repris contact avec cette vieille pie pour rien.

Aussi agréable que furent leur retrouvaille, il n'en avait pas fini ici. Cependant il allait se mettre à l'ombre en attendant que le corniaud se souvienne de lui, de sa présence. Ce qui pouvait aussi bien être long que court. D'une certaine manière, Yûta espérait que cela fut court mais connaissant l'esprit de son ancien compagnon de jeu, il ne se faisait pas trop d'idée. Heureusement qu'il était du genre patient.

*Buse ?*
Yûta secoua légèrement la tête qu'il baissa vers le sol. Ses deux mains croisées sur Yûyake, il ressemblait presque à un petit vieux entrain de faire sa sieste. A ceci près qu'il était loin de dormir et que toute son attention était focalisée sur le duo à quelques pas de lui... ou presque toute son attention.

*Je n'ai toujours pas trouvé les mots.... mais au fait il s'en est aperçu ! ...*
La pensée de Yûta n'était pas tout à fait cohérente. Il venait de sauter d'un sujet à un autre sans le réaliser, trouvant un lien logique entre ces deux ordres d'idée qui pourtant n'avait strictement aucune connexion. En effet quel lien y avait-il entre les mots qu'il cherchait à dire et le fait que l'inconnu s'était aperçu qu'il avait retenu ses coups ? Apparemment aucun. Si ce n'est Yûteki.

Yûta releva doucement la tête. Il porta son regard sur l'homme. Il n'avait aucune expression, un oeil mort et un oeil vide de sentiment, aucun sourire. Il l'observa un instant mais son apparence physique lui importait peu. Ce qu'il voulait connaître s'était sa force.
A la vitesse et la puissance à laquelle il avait porté son attaque, n'importe qui aurait pu se laisser duper et penser qu'il allait à pleine puissance mais lui... il l'avait remarqué. Il n'était pas un utsuwa parmi tant d'autres. Son niveau devait être avancé peut-être même non négligeable... Peut-être le saurait-il bientôt.

Azhdar ne cacha pas un sourire certain, il avait fait mouche et peut être même plus, la situation lui échappait presque. Il se leva lentement et sauta de son perchoir:

"Je crois que tu n'as pas très bien compris..."

Il déplia une des ronces de son poignet et en une fraction de seconde harponna la dague fichée dans l'arbre et la lança en direction de son propriétaire; en un clin d'œil, cette dernière se retrouva de nouveau sur l'éventail comme si cette dernière n'en était jamais partie.

"Attaquer dans la colère n'est jamais très profitable et tel que c'est partit, je vais devoir donner de l'argent seulement à ton compagnon qui se maitrise un peu lui, en ce qui te concerne le spectacle n'est pas de grande qualité..."

Avec la même ronce, il se saisit de sons arme et se ses affaires tout aussi vite avant que cette dernière ne s'enroule de nouveau autour de son poignet à la manière d'un serpent comme si elle était vivante. Il toisa ensuite le le jeune homme aux éventails. Il était intéressant lui aussi, Tirer une dague avec un système aussi ésotérique, dans une position aussi inconfortable et avec une telle précision (après tout la dague ne l'avait manquée que de très très peu) cela relevait du prodige...

Son compère un peu plus loin semblait méditer sur une obscure pensée qu'il ne chercha absolument pas à percer. Ce dernier faisait preuve d'un sang froid remarquable pour ce trait de caractère, conservait sa préférence. En revanche, et il regrettait la tournure des évènements, il lui avait un peu gâché le combat, a vrai dire si il s'attendait à ce type de réaction il n'avait pas prévu sa vivacité. Maintenant, il lui fallait user de diplomatie pour réparer cette erreur. Et s'adressa de nouveau au porteur d'éventails.

"Enfin bref, je ne vais pas vous déranger plus longtemps... Malgré la différence de point de vue qui nous oppose, garde tes forces et accessoirement tes munitions pour ton ami..."

Azhdar fit une accélération inattendue et se retrouva près du jeune homme au bâton:

"Excuse moi, mais il à vraiment un caractère qui défie toute logique..."

Il appuya l'accélération de nouveau et disparu l'instant d'après. Il alla se réfugier un peu plus loin, dans les arbres qu'il connaissait trop bien. En bon chasseur il s'était mis sous le vent pour masquer son odeur et sur un bon point d'observation camouflé pour voir la suite sans être vu. Azhdar huma l'air: cela sentait la colère. Un sourire franc se dessina sur son visage. Il attendit que le combat reprenne (du moins pour ce qui était des postures). C'était clair comme de l'eau de roche, il ne voulait pas en perdre une miette... Il repensa au porteur d'éventail:

"Alors gamin, comment vas tu réagir cette fois ci ?.."

"Enfin bref, je ne vais pas vous déranger plus longtemps... Malgré la différence de point de vue qui nous oppose, garde tes forces et accessoirement tes munitions pour ton ami..."

Mon am... !!!!!??!
Le cerveau de Yûteki avait fait ce que tout ordinateur compétent fait lorsqu'il se met en tâche d'analyser un document trop volumineux pour lui: il plante. Et c'est ainsi que l'esprit de Yûteki refleta ce que la plupart des moines bouddhistes cherchaient à obtenir au cours de leurs méditations depuis des générations: la paix intérieure. Et cette paix intérieure était pareille à un écran noir d'où ne naissait rien d'autre que le néant béant et absolu qui cherchait à vous aspirer. Oui, la paix intérieure était un état d'arrêt total du disque dur... Et celui de Yûteki cherchait à reboot le programme à tout prix.
C'est pendant cet instant de redémarrage du logiciel interne qu'Azhdar alla murmurer quelque chose à Yûta. A cette distance, Yûteki aurait pu entendre les paroles qu'il lui prononçait, mais dans cet état de bug temporaire, les oreilles de Yûteki bourdonnaient, un écho lointain répétait le même tintement distordu:



*WTF !!!*

Dans un sursaut de lucidité, Yûteki se retourna brutalement, éventail pointé sur Azhdar.

-TOI ! TU...

Mais le gladiateur ne vit qu'une silhouette déformée se carapater à toute vitesse dans les bois. Le jeune homme resta là à regarder la progression de cet inconnu dans la jungle environnante. Il avait disparu. Sa présence même n'était déjà plus decellable.

-Mince...

Yûteki resta ainsi, le bras tendu, l'éventail en main en direction de la seule personne qui restait dans son champ visuel: Yûta.

-On reprendra plus tard notre petite danse, lança-t-il, j'attrape Tarzan et je reviens pour discuter du bon vieux temps.

Yûteki fit un demi-tour instantané et prit une impulsion pour poursuivre le fuyard. Mais un éclair traversa son esprit. Son impulsion se transforma en un nouveau demi-tour et un déhanché stylisé. Il donna un léger coup d'éventail sur la tête de Yûta pour souligner la puissance de son idée. Son visage s'éclaira d'un sourire enfantin.

-Une chasse à l'homme !

Un silence soutenu suivit la sentence de Yûteki. Yûta ne sembla pas deserrer les lèvres pourtant. Difficile d'éveiller un signe marquant de motivation sur son visage.

-Un nouveau défi que je te lance: le premier de nous deux qui attrapera le clown à la mauvaise herbe aura le droit de réclamer ce qu'il veut du perdant. Ok?

Yûteki n'attendit pas le moindre seconde pour laisser son homologue répondre. L'esprit gonflé par l'adrénaline, il se jeta à corps perdu dans la forêt, éventails en mains, le goût du sang dans la bouche.

-STAAAAAART !!!!!

Yûta écoutait en silence les paroles échangées, ou plutôt il écouta Azhdar parler car Yûteki semblait bien silencieux. S'il ne le connaissait pas aussi bien, il aurait pu penser que la petite passe effectuée plus tôt l'avait laissé sans voix mais ils étaient si proches que le jeune homme trouvait ridicule rien que le fait d'envisager que ce fusse possible : Yûteki, impressionné ? Si cela avait été le cas, il serait intenable et non immobile. Non, ce qui avait du le calmer était certainement un geste, un mot mais lequel ?

*Ah oui.... évidemment*
Le mot se révéla de lui-même lorsque Azhdar se retrouva face à lui en un clin d'oeil. C'était si évident qu'il n'y avait pas pensé. Ce qui avait mis dans cet étrange état le pauvre paon était un malheureux mot de trois lettres :
a
m
i,
ami.
Bizarre comme un simple mot, aussi petit que celui-ci, pouvait avoir autant d'impact. Ce n'était pourtant pas une insulte, ni un compliment, juste.... un mot qui le concernait à peine. Après tout ami, ce n'était que Yûta qui était désigné... mais le problème était là justement. Yûteki haïssait ce jeune homme, et ce dernier se demandait toujours pourquoi. Il ne se souvenait pas avoir fait quelque chose qui méritait autant de haine mise à part une chose peut-être...
En arène, il était celui qui volait l'attention du public. Le Héron sans traîne, ni parade faisait de l'ombre à ce magnifique Paon par sa modeste noblesse. Cela tenait d'une certaine ironie qu'un être aussi calme que Yûta soit le soi-disant préféré d'une foule de spectateurs surexcités mais il pensait qu'il y avait autre chose derrière ces encouragements qui lui étaient adressés : des encouragements indirects au Paon. Après tout, qu'y a-t-il de mieux pour faire réagir une personne qui veut à tout prix se faire remarquer que l'action de l'ignorer ?

Yûta regarda droit dans les yeux l'homme qui se tenait face à lui. Celui-ci venait de prononcer une phrase à son égard. Apparemment une excuse. Pourquoi s'excusait-il ? L'utsuwa n'aurait su le dire mais il accepta sans un mot, juste avec une légère inclinaison de la tête, le visage neutre, comme à ses habitudes.
Sa tête ne se détourna pas pour suivre le départ de l'inconnu. Il se fia à ses autres sens pour repérer la direction prise : un caillou qui roule, une brindille qui craque, cela lui suffisait amplement ; mais son écoute fut malheureusement perturbée par le criaillement du paon. Yûta n'en laissa rien paraître mais intérieurement il soupirait, amusé tout de même.
*A qui devait-on arraché la langue déjà?*

Son rival restait posé. Son bras tendu dans sa direction, le combat allait-il reprendre ? Impossible, l'enfant ne pouvait décemment pas laisser filer un nouveau jouet dont les vertus semblaient divertissantes. Par conséquent Yûta ne prit même pas la peine de se remettre en garde se doutant bien des paroles qui allaient être prononcées. Cela ne rata pas : Yûteki reportait leur combat.
Le jeune homme ne dit pas un mot, il se contenta une nouvelle fois d'un léger signe de tête. Après trois ans, qu'est ce qu'un jour de plus ou de moins changerait ? Rien. Cependant à peine eut-il baissé la tête pour saluer son camarade que ce dernier s'était déjà retourné, le gratifiant d'un coup d'éventail qui manqua d'être arraché de cette blanche main. En effet, Yûta avait failli saisir l'arme en pensant qu'il était attaqué. Déformation professionnelle ou paranoïa ? Sans doute un peu -beaucoup- des deux.

Yûteki, un sourire radieux aux lèvres, déclara une chasse à l'homme. Sans doute blasé par cette proposition, Yûta ne dit mot, immobile, inexpressif. Le jeune Paon y étant habitué ne se laissa pas décourager et imposa tout de suite l'enjeu de ce divertissement. Si réponse il devait y avoir, le temps vint à manquer puisque le participant volontaire était déjà loin devant.

*Dois-je le considérer comme de la triche ?* Pensa Yûta en observant son compagnon s'éloigner à grands pas.
Il resta assis, la tête baissée, les yeux fermés. Son esprit à moitié somnolant revoyait des bribes de souvenirs. Yûta se leva. Une minute et quelques poussières s'étaient écoulées mais il ne semblait guère s'en soucier. Il se mit tranquillement en marche, Yûyake lui servant vaguement d'appui. Il s'avançait avec aisance parmi les ruines, son pas lent et aveugle évitait les obstacles. Il connaissait ce lieu sur le bout des doigts, il l'avait comme une image nette dans la tête.
Deux minutes.
Yûta arriva calmement à la lisière de la forêt. Il se pencha vers un arbuste et en cueilli à tâtons quelques fleurs qu'il savait au goût sucrée. Il glissa dans sa bouche et il les laissa fondre sous sa langue. Le parfum lui redonna un peu de vie. Il se reconnecta doucement à la réalité et cueilli quelques autres fleurs.

Le Jeu ? Il ne l'avait pas oublié. Seulement, contrairement à son semblable, il n'était pas pressé. Bien évidemment plus vite il retrouvait l'homme, mieux cela était mais pourquoi se précipiter ? Il fallait savoir prendre son temps pour savourer chaque instant. Et au pire, il perdrait.

*Impossible.*
En un battement de cil, Yûta n'était plus en vue. Engouffré profondément dans la forêt, il se déplaçait à travers les arbres avec l'agilité d'un prédateur. Ses guides ? Son ouïe, son odorat et son touché. Son conseiller ? Ses instincts.

* Réclamer ce qu'il veut du perdant. Il ne pense tout de même pas gagner avec un tel argument !*
Le Héron était motivé à ne pas perdre. Aussi vrai qu'entant qu'Utsuwa il ravalait sa fierté, il ne pouvait décemment pas laisser le Paon remporter cette victoire. D'autant plus qu'il avait un énorme avantage face à lui : s'il n'est vu ni entendu, il n'existe pas.
* Et puis il me narguerait avec (cette victoire) pendant des siècles. Et si un immortel sait ô combien une éternité peut-être longue, ce n'est pas lui qui doit la partager avec cet abruti !*
Certes, Yûta non plus mais ils avaient déjà partagé une enfance ensemble, c'était de trop.

"Oh? Voila qui est interssant, mais est-ce que ce deux jeunes écervellés arriveront à ruser le loup que je suis..."

La tournure que prenait la situation était tout à fait inhabituelle pour ne pas dire franchement bizarre. Visiblement il était devenue la cible d'un nouveau défi dont les modalité lui étaient inconnues mais dont l'objectif semblait clair. Pourquoi pas après tout et puisqu'aujourd'hui il était le gibier il ferait en sorte de leur compliquer la tache un petit peu...

Les deux progressait à allure similaire et était à distance équivalente de sa position. Il n'était pas tout à fait dans la bonne direction mais Azhdar rectifia vite la situation. Il tira son sabre et joua avec avant de s'en saisir:

"Chante pour moi morkaï..."

Il tira la lame doucement et l'arme émit un chant clair et cristallin qui devint, au fur et à mesure que l'arme sortait de son fourreau lourd et menaçant. Morkaï, cette avait acquise son âme au bout de 99 ans d'un jeu funeste de sème la mort perpetué par son clan; l'arme avait pris vie la 100ème année. Elle avait acquis entre autre la singularité de chanter...

Ce qu'Azhdar voulait faire était simple, il voulait pimenter le jeu. En se signalant volontairement, il allait de nouveau mettre les combatants face à face et innévitablement chacun empècherait l'autre de gagner.Enfin, ça s'était si tout se passait comme il le prévoyait...

Ce fut le porteur d'éventail qui arriva le premier, précedant d'une fraction de seconde son compère. Azhdar haussa un sourcil et descendit calmement de l'arbre ou il était perché, le sabre à la main. Il s'adossa contre l'arbre, près à dégainer au cas où...

"Bigre, me voila percé à jour, pourtant, à moins que vous ne me coupiez en deux et je suis sur que cela ne vous déplairait pas, il va falloir vous départager..."

Azhdar dégaina lentement et l'arme chanta de nouveau. Il arrêta le chant en posant deux doigts sur la lame, histoire de calmer l'esprit qui s'y trouvait. Tout comme lui, les deux autres avaient pris des postures de combat et il s'engageait maintenant un triangle dans lequel chacun des combatants devait se méfier de deux personnes: Il fallait user autant de stratégie que de manipulation.

Le combat commença et dans un premier temps Azhdar ne se contenta que de parer les coups, ces deux là étaient rapide mais cela ne lui posait pas de problème et même s'ils avaient encore de la réserve il se rendrait bien vite compte à quel point lui aussi en avait. Le plus surprenant c'est qu'aucun de deux n'était surpris, chacun essayait à juste titre de tirer son épingle du jeu, chacun ayant ses raisons de gagner ce défi. Au bout d'un moment, un statut quo s'installa quand tout le monde pris conscience qu'il fallait arrêter d'y aller tête bèche.Azhdar était serein et avait une respiration lente et profonde. Comme il ne faisait pas très chaud il ne transpirait même pas. Il reprit une posture défensive et attendit la suite:

"Vous êtes forts..."

hrp// Dsl pour la lenteur de la réponse, quelques soucis pour me connecter régulièrement ces temps-ci. =P

*...*
*Poucet y es-tu? M'entends-tu?...*

C'est l'image qui s'imposa dans l'esprit de Yûteki. En plein milieu de sa traque, les yeux alertes aux moindres indices qui se présentaient à lui, l'Utsuwa avait l'impression de poursuivre le petit poucet à la trace. Trace de pas, branches cassées, etc, tous ces indices que les bons pisteurs relèvent lorsqu'ils poursuivent leur futur trophée de chasse.
Cette chasse à l'homme était une traque certes, mais la traque basique qui ne laisse aucune surprise: aucun piège, aucune feinte habile de la part de la proie pour échapper à ses poursuivants. L'animal fuyait tout simplement sans se soucier des traces qu'il laissait derrière lui. Si l'homme avait été suffisamment intelligent, il aurait au moins cherché à brouiller les pistes ou au moins éviter de laisser autant d'indices ! Ou alors cherchait-il justemment à ce qu'on le suive...

*...*

-Ahahahahahaaaaahaaaa !

Cette pensée était si dénuée de logique que Yûteki ne put retenir le rire dément qui lui secouait les côtes. Qu'est-ce que ce môme espérait? Se mettre à dos les deux Utsuwas les plus réputés de l'île et s'en sortir sans blessure?

-Décidemment! Il y a des personnes qui ne méritent vraiment pas de respirer ! Une fois de plus je vais devoir serrer les boulons de la sélection naturelle !

Un dernier bond et Yûteki déboulait de la jungle végétale. Il leva à peine les yeux pour voir la silhouette de l'homme perchée sur un arbre, lame dégainée. Il avait tout l'air de l'attendre pour en découdre.

*Le lapin blanc a enfin décidé de me montrer autre chose que son derrière... Et maintenant, il montre ses dents... *

Contre toute attente, Yûteki fit ce qu'aucun prédateur n'aurait fait devant sa victime: il se mit à arborer un sourire ingénu. Ce sourire n'aurait pu être qu'innocent et rassurant si Yûteki n'avait pas sifflé entre ses dents...

-Mort aux herbivores...

Il baissa doucement la tête, voilant du même coup ses yeux et son sourire. Mais à l'instant où il allait exercer une impulsion de sa jambe droite, un bruissement vint perturber son champ auditif.
Il tourna la tête vers Yûta qui était apparu à quelques mètres de lui, aussi furtif qu'un fantôme. A nouveau, Yûteki n'avait pas détécté la présence de son comparse et il était intimement persuadé que son rival avait volontairement froissé ce buisson pour signaler son entrée... Des fois votre instinct vous murmure de biens étranges choses...

Yûteki, Yûta et le gros lot à portée de main...
Cette situation semblait avoir été calculée depuis le début par leur gibier.
Il fallait croire que les deux utsuwas auraient à se départager pour être le premier à attraper le lapin. L'idée ne déplaisait pas à Yûteki et il aurait même prit plaisir à mettre des bâtons dans les roues de son voisin. Mais il l'aurait fait s'il n'avait pas senti en son for intérieur qu'on l'avait manipulé pour en arriver là, et ça il ne pouvait pas le tolérer.
Dans un sursaut de lucidité, il se rappela le défi qu'il avait lancé à son homologue... avant d'en jeter le principe à la poubelle.
Lunatique, changeant, instable, voilà ce que Yûteki était. Jouer à un jeu sans que les règles n'évoluent n'avaient aucun interêt. Les entorses, les imprévus et les coups truqués donnaient au moins du piment au jeu!

L'utsuwa accorda un regard entendu à son compère. Mais jamais Yûteki ne sut si ce dernier l'avait vu esquisser ce coup d'oeil à son attention, mais à cet instant il ne s'en soucia plus du tout. Il ne faisait qu'écouter la petite voix dans sa tête qui lui recommendait de donner une leçon à cette gerbille prétentieuse.
Mais au moins allait-il faire durer son plaisir jusqu'à ce que l'herbivore sente le désespoir lui ronger l'estomac.

Il fallut croire que les deux compères avaient synchronisé leurs deux esprits pour se décider à charger au même instant.

-Tatons la viande pour voir si elle est bien tendre !

Les deux rivaux engagèrent alors le combat, chacun choisissant sa manière de le mener vis-à-vis des deux autres.
La tactique de Yûteki était simple: porter ses coups sans se soucier de Yûta à ses côtés, comme s'il était seul à jouer avec la gerboise. Et lorsque l'on veut s'amuser, on cherche à faire durer le plaisir. Il n'y a rien de drôle à mater son adversaire dès la première seconde de l'affrontement. Aussi, Yuteki se limita-t-il pour jauger sa proie dans un premier temps. La vitesse et la force qu'il engageait dans cet affrontement lui aurait fait perdre la vie lors d'un kyogi au sein de l'arène, il en était certain. Pour preuve: Yûta n'avait aucun mal à adapter son style de combat aux mouvements du paon, il ne donnait même pas l'impression d'esquiver les éventails tant les coups étaient prévisibles pour un être de son niveau, à croire que, vu de l'extérieur, les deux rivaux se complètaient et paraissaient agir en équipe. Et en face, l'homme à l'épée parait chacun de leurs coups sans s'essouffler il fallait croire. Au fur et à mesure que le combat se déroulait, plus Yûteki était persuadé que l'homme en face d'eux ne se donnait pas à fond. Et à vrai dire, les deux utsuwas avaient adopté la même attitude: ils limitaient leur potentiel. Aussi ne fallait-il pas s'attendre à un combat survolté comme auparavant entre les deux champions de l'île, au contraire, à l'allure où ils allaient, Yûteki avait juste l'impression d'essayer de gagner une course d'escargot. Et cela allait à l'encontre de son tempéramment vif et impulsif. Aussi s'amusa-t-il à compter les ouvertures dans le jeu de son adversaire pour s'empêcher de piquer du nez en plein combat.

*Oh une ouverture ! Oh! Encore une ouverture ! Oh mais ça alors... une ouverture !*



*Si ce combat s'éternise comme ça, je sens que je vais avoir des crampes aux poignets à force de me retenir...*

Brusquement, le combat stoppa net. D'un bond en arrière, Azhdar avait élargi la distance entre lui et les deux guerriers et adoptait désormais une posture défensive. Du côté de Yûteki, la monotonie du duel avait agit comme il s'y attendait: il piqua du nez et se vautra lamentablement sur le sol à l'instant même où leur adversaire s'autorisait une petite parenthèse narrative.

"Vous êtes forts..."

Peut-être les trois points de suspension de sa phrase marquait sa surprise face à la chûte inattendue et incompréhensible de Yûteki, mais jamais personne ne le saura. Face contre le sol, dans un état de veille sensible, Yûteki ruminait pensivement.

*...*
*...pardon?...*

D'un bond, il se redressa, éventail pointé sur Azhdar.

-Et tu te permets d'arrêter net le combat juste pour nous balancer une réplique pareille?!!?!

Désormais, lorsque Yûteki aurait à dresser une liste des choses qu'il haïssait le plus, la catégorie des "Personnes stoppant un combat pour balancer une réplique inutile de derrière les fagots" apparaitrait dans les cinq premières... Après les quatre autres premières sources de haine de sa liste (à noter: "1/Yûta" "2/La coiffure de Yûta", "3/La tête de blasé de Yûta" et "4/Les chaussons-lapins")

Les branches fouettaient son corps et les épines laceraient sa chair tandis qu'il se déplaçait à vive allure parmi elle. Son esprit était vide de toute pensée, seule l'idée de la chasse régnait en lui mais s'il en eut pris plaisir, celui-ci fut gâché par un indice trop évidant. Yûta savait où chercher, sa proie l'attirait à lui. Le jeu n'avait plus d'intérêt. Cependant il se devait de se rendre au point de rendez vous ne doutant pas que son cher rival devait déjà y être ou, si ce n'était guère le cas, ne tarderait pas à y être. Arrivant à vive allure, il s'arrêta à distance des deux ombres. Yûteki venait d'arriver et menaçait déjà l'inconnu dont -il le réalisa tout à coup- ils ne connaissaient toujours pas le nom. Caché sans vraiment le vouloir, Le Héron se tenait contre un tronc et observait la scène. Sa lance en main il cherchait une entrée. Devait-il comme son rival faire impression ou bien .... ffrrr.... Non, finalement il avait décidé de rester lui même : discret.

Après avoir observé Yûteki, après avoir attendu que ce dernier soit prêt à attaquer, qu'il s'élance pour attaquer, il avait décidé de l'interrompre par le léger froissement des feuilles. Rien de tel pour déranger son compagnon car le bruit le plus léger est parfois le plus agaçant s'il arrive au moment importun.

Yûta s'avança vers le duo. Un regard sur l'un, un regard sur l'autre puis il ferma les yeux. Il ne vit pas le clin d'oeil fait à son égard ni n'écouta-t-il les paroles de l'étranger. Il cherchait à déterminer une chose : que faire ? Le vent fut son guide. Il souffla en direction de leur proie. Yûta s'élança et comme unis par une même volonté, Yûteki en fit de même. Bien évidemment ce dernier ne put s'empêcher de hurler une phrase qui pour le coup s'avérait peut-être vrai : ils allaient tâter un peu tout ça. Ce serait une bonne occasion de découvrir ce que cet inconnu valait et éventuellement de voir à quel point l'abruti avait pu progresser, enfin voir... Il réalisa très vite qu'il ne risquait pas de voir grand chose : Yûteki ne prenait pas cette rencontre au sérieux. Yûta aurait du s'en douter.

Le combat prit place, Azhdar se débrouillait bien, il avait de la maîtrise et une vitesse suffisante. Ses gestes étaient surs, ses parades précises et ses coups tout autant mais il ne se donnait pas entièrement. Yûta ne savait guère s'il devait prendre cela pour une insulte ou un test. L'homme était-il entrain de tester les deux bras les plus glorifiés de cette île ou cherchait-il à les tourner en ridicule ? Pensait-il qu'il pouvait aisément leur faire face ? D'où venait-il ? Yûta ne se rappelait pas d'avoir vu sa tête lors d'un Kyôgi, en tout cas il ne l'avait jamais affronté, et Yûteki aurait sûrement souligné le fait par une gueulante s'il l'avait déjà affronté, alors la question était : cet homme avait-il déjà fait un Kyôgi ? Peut-être son nom était-il répandu ? Yûta, sans vouloir sous estimé son présent adversaire, en doutait.

Le combat poursuivit son cours. Il n'avait rien de palpitant, le trio avait plutôt l'air de se tourner autours. Yûteki transpirait l'ennui et Yûta bien que son visage fut toujours serein et laissait à penser qu'il était bel et bien présent, n'était pas moins absent. Son corps réagissait aux attaques sans qu'il eut besoin de s'en soucier. Il sentait le coup venir bien avant que celui-ci ne fut au quart de sa portée. Les attaques étaient trop lentes, tellement lente que même un film au ralenti semblerait défiler en avance rapide. Pour Yûta, ce combat ressemblait à l'exercice de l'exercice de l'exercice de fin d'entraînement qui servait à se détendre et à refroidir tout en douceur les muscles. Autant dire qu'il avait l'impression d'avoir terminé sa journée et qu'il s'apprêtait à aller se coucher. Pourtant aussi lent et ennuyeux le combat pouvait il être, il y trouva tout de même un intérêt : il savait à présent que cet homme pouvait combattre à une échelle d'un Kyôgi moyen. Certes, ce n'était pas grand chose, et au niveau des deux grands ce n'était réellement pas grand chose - à l'égal d'une fourmi face à un éléphant- mais Yûta tenait à noter ceci dans un coin de son esprit. Après tout l'adversaire n'avait pas encore montré toutes ses facultés, il n'avait pas le souffle court, il ne semblait pas suer beaucoup, même pas du tout alors il ne forçait pas. Ceci était important mais cette constatation ne suffisait pas à intéresser les deux piafs. Yûteki heurta le sol. Yûta posa Yûyake au sol, le tenant en son milieu d'une main, prêt à reprendre le combat qui venait de s'interrompre.

Le jeune homme porta son regard sur son égaux. Il l'observa un instant, un grand air blasé sur son visage. Sans doute le paon le comprendrait-il comme ceci : tu pourrais faire un effort, moi aussi je m'ennui, ou bien le comprendrait-il comme cela : tu sers vraiment à rien. Yûta ne le sut pas car Yûteki s'était redresser d'un bond et s'adressait à l'étranger. Celui-ci se faisait littéralement engueuler pour avoir interrompu le combat ; ce qui en soit n'était pas totalement vrai. L'Utsuwa aurait volontiers dit que le combat de toute manière aurait pris fin par les ronflements du paon, mais il préféra passer ce sujet sous silence afin de prononcer -juste après avoir mis un coup de Yûyake à l'arrière du crâne de l'autre imbécile- ces mots d'un ton calme et détaché contrairement à son camarade à l'égard d'Azhdar :

"Et si vous nous montriez un peu de quoi vous être réellement capable ?"
Autant dire que le compliment avait été mal pris. Yûteki avait estimé que cette réplique était inutile et Yûta avait décidé qu'elle ne valait rien tant que l'homme ne se donnerait pas avec plus de sérieux. Pour lui c'était comme entendre une personne dire à un artiste qu'il était talentueux alors qu'elle n'a encore vu aucune de ses oeuvres. Une manière de rassurer l'artiste sur son talent ou bien une manière d'éviter de subir des heures de 'et là, quand penses-tu ?'... Autant dire une manière de ce débarrasser et de l'artiste et de ses oeuvres. Pour Yûta ce compliment était donc dévalorisant : même un enfant aurait pu lui dire cette évidence. Il était fort, Yûteki était fort, toute l'île le savait alors pourquoi leur dire cela ? Pourquoi leur dire ces mots qu'ils entendaient à longueur de journée ?
*ah non, ils ne nous disent pas que nous sommes forts.... mais que nous sommes les meilleurs.*
Azhdar avait fait le mauvais choix en prononçant ces trois mots. Il aurait mieux fait de dire qu'il s'ennuyait, à ce moment là, l'action aurait peut-être été plus vive.
Yûta se mit en garde et dans la même seconde il porta une attaque vive et précise. Le niveau venait d'augmenter de deux crans, juste pour motiver un peu cet adversaire mais encore trop bas pour exciter les deux grands. Le jeune homme espérait que cette attaque ferait bouger les choses, même s'il devait continuer à s'ennuyer, il espérait au moins entrevoir un peu plus de cet homme, découvrir une limite ou un niveau plus intéressant qu'il ne voulait bien leur présenter actuellement.

*Il ne nous a pas réuni ici pour nous décevoir tout de même.*

Azhdar soupira, il avait eu tord... Yuta l'attaqua plus vivement et cette fois ci la contre attaque fut foudroyante, implacable précise et sans aucune ouverture en retour. Son poing était à quelques centimètres du visage de son assaillant, mais il l'estimait lui au moins...

"A toi je te montrerai ma vrai force, quand nous serons dispensés de cet imbécile..."

Il avait eu tort, des deux seul le héron était fort, l'autre, il serait mort en combat réel. AInsi il s'endormait, c'était présomptueux, beaucoup trop... Une attaque éclaire et silencieuse comme le cherche coeur aurait vite fait de lui arracher le précieux organe. Il reprit une position défensive, puis passa à une position neutre et fini par ranger son sabre. Il se tourna vers le porteur d'éventail avec un mépris certain.

"Tu n'es qu'un insecte, ainsi tu t'amuses juste à compter les ouvertures que je te laisse volontairement? Tu salives devant une proie qui se laisse faire et tu fais passer cela comme un acte héroïque et encore mieux tu t'assoupies. Si tu avais été dans mon clan tu serais mort plus de dix fois. Te combattre fut une erreur de taille, je perd clairement mon temps avec toi. Les rumeurs étaient fondées, sur cette île, tu n'es que le second des utsuwa et quand je te vois je me dis qu'heureusement que je n'en suis pas un, à vaincre sans péril on triomphe sans gloire... Ainsi, le paon malgré sa roue sans substance essaye d'égaler le héron, mais ce lourdeau bat de l'aile et n'agite que du vent!"

Azhdar se reporta vers Yuta:

"A charge de revanche, on se retrouvera!"

Il reporta son attention sur le paon:

"Ne me suis pas, je n'ai plus de temps à perdre avec un faible de ton espèce."

Azhdar se retira définitivement cette fois ci, il partit à pleine vitesse, sans laisser aucune trace dans un environnement qu'il connaissait comme l'extension de sa main. Il se trompait rarement et souvent de peu, mais là il avait fait une erreur de taille que jamais plus il ne recomettrait, de plus, un tel caractère l'exedait au plus haut point et il ne regretta nullement ses mots malgré la rigeur de ses propos. Il repensa à Yuta, c'était finalement le bilan positif de cette journée. Lui avait le potentiel et la mentalité de lui faire un adversaire valable. Il se chargerait de retrouver cet utsuwa un autre jour, aujourd'hui il était énervé et une règle essentielle en combat est de toujours attaquer avec un esprit serein et alerte...

Lassivement allongé sur le sol, Yûteki se massait tendrement le crâne. Pas que le coup porté par Yûta ne lui ait fait mal outre mesure, mais il se disait que cette réaction aurait été la plus normale qui soit si son geste n'avait pas pour but d'étendre la douleur au-délà de l'ecchymose qui était apparu au sommet de sa nuque.
Il n'avait fait aucun commentaire, et il n'aurait surement pas eu le temps d'en formuler un maintenant que son vieux rival avait poursuivi le combat. L'utsuwa rejeta sa tête en arrière contempla la courte passe d'arme que les deux guerriers s'étaient échangés.
Il y avait du bon à regarder un duel se dérouler sous vos yeux, Yûteki finit par comprendre pourquoi son public était si friand de ces affrontements sanglants où seule la domination offrait la victoire. Vu de l'extérieur, c'était jouissif.

*Mais on s'amuse beaucoup plus lorsqu'on est au coeur de l'action...
Bon, allez! Je laisse Yûta le fatiguer un peu et je prends son relais, histoire d'en terminer.*

Dans son esprit, il n'y avait aucune question à élucider. Qui était ce type? D'où venait-il? Que faisait-il ici? Tout ça n'avait pas d'importance. Il n'y avait eu qu'une succession d'événements qui avait fait que les choses se soient finies ainsi. Même en faisant un effort, l'homme aux cheveux blancs n'arrivait pas à se souvenir pourquoi ils s'étaient finalement mis à le poursuivre...

"Tu n'es qu'un insecte, ainsi tu t'amuse juste à compter les ouvertures que je te laisse volontairement? Tu salives devant une proie qui se laisse faire et tu fais passer cela comme un acte héroïque et encore mieux tu t'assoupies. Si tu avais été dans mon clan tu serais mort plus de dix fois. Te combattre fut une erreure de taille, je perd clairement mon temps avec toi. Les rumeurs étaient fondées, sur cette île, tu n'est que le second des utsuwa et quand je te vois je me dis qu'heureusement que je n'en suis pas un, à vaincre sans péril on triomphe sans gloire... Ainsi, le paon malgré sa roue sans substance essaye d'égaler le héron, mais ce lourdeau bat de l'aile et n'agite que du vent!"

Yûteki battit sensiblement des paupières, ce qui laissa transparaître une certaine surprise sur son visage. Mais ses yeux continuaient à soutenir paisiblement le regard méprisant que lui lançait son ancienne proie.

*...*
*C'est dingue ! La tête à l'envers, j'ai l'impression qu'il me sourit !!!*

Pendant trente secondes, Yuteki se posa la question suivante: comment aurait réagit ce type s'il s'était mis à prendre un regard larmoyant de chat botté avant de couiner un "C'est vraiiii~?..." miaulant et plaintif?
Avec une petite moue, il balaya cette pensée fugace et une roulade plus tard, Yûteki se trouvait toujours allongé, mais cette fois-ci sur le ventre. Ses yeux restaient fixés sur le braillard comme deux joyaux d'onyx. Mais la lueur bleutée de ses prunelles trahissait l'amusement qui lui secouait discretement les côtes.

-Enfin... Quelque chose perce derrière ce masque grimaçant. Murmura-t-il pour lui-même. Une victoire facilement gagnée, je dois avouer.

Yûteki dû se planter ses ongles sous la peau de sa lèvre supérieure pour ne pas afficher son sourire carnassier en face de l'énergumène. Cela aurait put très bien passer pour un signe de provocation, et n'en déplaise à Yûteki, il n'aurait pas hésité une seconde pour tirer ce jeune homme hors de lui et vraiment voir ce qu'il valait.
Mais à cet instant précis, l'utsuwa ne voulait en rien gâcher ce sublime instant: celui de voir la colère transpirer de cet homme. Jamais Yûteki n'avait vu Yûta se mettre hors de lui, et il aurait donné tout l'or du monde pour y parvenir, mais de là, le spectacle de ce jeune guerrier pris sous le coup de la colère était savoureux. A croire que ses petites facéties avaient finalement rongé le calme de ce cher porteur d'épée.

C'était jouissif ! Il n'y avait rien de tel que de voir un sentiment franc se dessiner sur les traits d'un visage, teinter le fil d'une voix ou encore troubler le calme intérieur d'un Homme. Rien ne valait les émotions pures. Même si c'était de la haine pure que cet inconnu éprouvait à son égard, l'utsuwa la savourait: car un jour il aurait plaisir de réduire ce sentiment à néant.
Et c'était juste pour cela que ce type ne valait pas Yûta: il ne savait pas garder le contrôle de lui-même en toutes circonstances comme son rival savait si bien le faire. Il était comme tous les autres hommes: une proie prompte à la colère.

*Que j'aime ces herbivores.*

"Ne me suis pas, je n'ai plus de temps à perdre avec un faible de ton espèce."

A ces mots, Yûteki lui avait adressé un charmant sourire, tout détendu qu'il était, l'utsuwa ne paraissait pas sur le point de continuer sa traque. Il n'en avait plus envie et son coup de fatigue de tout à l'heure n'allait pas arranger sa paresse actuelle. Alors que l'inconnu déguerpissait à toutes jambes, l'utsuwa se contenta d'agiter son éventail vermeil dans un signe d'adieu, sa posture, sa moue et le mouvement de son bras rappelaient ceux d'un Maneki-neko.
Mais on pouvait deviner qu'à défaut de salut porteur de chance, ce simple geste de la main n'était porteur que d'une seule signification:

-A la prochaine.

Se tournant vers Yûta, le guerrier aux cheveux blancs lui jeta un regard crépitant de curiosité. Ce qui, avec ses babines retroussées, lui donnait un air benêt et très content de lui. Pendant un tout petit instant, Yûteki garda le silence, cherchant à analyser la réaction de son rival, si réaction il y avait.

Yûta ne broncha pas à la réplique de l'étranger. Celui-ci avait fait une riposte qui pouvait se qualifier de parfaite : précise, vive, elle aurait atteint n'importe quel combattant... ou presque. Aussi belle l'attaque était elle, le niveau restait bas et pour le jeune homme l'esquive aurait été facile. Seulement il n'eut pas à esquiver car le coup ne vint jamais.

Son regard dans celui de Azhdar, Yûta avait vu le coup arriver et son esprit avait déjà formé plusieurs suite au combat seulement quand il s'aperçut que l'attaque s'était arrêtée à quelques centimètres de son visage, toute suite fut réduite à néant, comprenant qu'il n'y en aurait aucune aux paroles qui suivirent. Le jeune homme lui avait dit qu'il lui montrerait sa vrai force, en l'absence de Yûteki. Le Héron avait comme l'impression que le Paon n'était pas apprécié. Non, ce n'était pas une impression, il en était certain : cet homme semblait déjà haïr Yûteki. Celui-ci n'avait pourtant rien fait d'anormal, si ce n'est être lui même...

*Ce qui en soit est déjà bien suffisant.*

L'homme, après ces dires, s'adressa au manieur d'éventails. Celui-ci resté à terre écoutait en silence les vérités qui lui étaient avouées. Il ne releva aucun point à la grande surprise de Yûta qui bien évidemment ne laissa rien paraître sur son joli minois. L'indifférence, le calme, la sérénité, le contrôle de soi lui seyait si bien pourquoi changerait-il ? Pourtant, les paroles de l'inconnu le troublèrent. Au fond de lui, Yûta était énervé, intrigué, fatigué. Il était énervé par les insultes faites à son compagnon, il était intrigué par cette histoire de clan et de non utsuwaté, et il était fatigué d'entendre qu'il était le premier de l'île alors que lui et Yûteki ne parvenaient pas réellement à se départager.

* Nous en sommes à combien ? Je ne sais plus les chiffres mais je n'ai qu'une -ou deux?- victoires d'avances sur lui*
Il en était ainsi, malgré les nombreux duels (et pour être nombreux, ils l'étaient !) qu'ils avaient mené, les deux grands n'étaient jamais parvenus à creuser un fossé entre eux, mais aux yeux des habitants de l'île Yûta était le premier. Il trouvait cela bête, une réputation faite si facilement pourtant il appréciait car cela lui donnait une raison de charrier son compagnon. Une occasion qu'il ne loupait que très rarement.

Le jeune Utsuwa observait son rival. Ce dernier avait les yeux brillants, éclairés par un certain amusement qui attisait sa curiosité. Que pouvait-il bien penser à cet instant ? Sans doute son esprit bizarrement tourné était-il entrain de songer à quelconque plaisanterie, Yûta n'aurait su le dire. Aussi vrai qu'il connaissait depuis longtemps ce petit, il n'avait jamais totalement compris son fonctionnement, ou était-ce son absence de trois ans qui lui faisait penser cela ? Il ne savait plus trop. Son passé à cet instant lui semblait si loin, brouillé par les souvenirs qu'il avait de son maître. Ce n'était pas facile d'oublier, de se relever, de se remémorer tout ce qui avait été autours avant cette .... Yûta se passa lentement une main dans sa chevelure, changeant de pensées.

Doucement son regard se porta sur Azhdar, celui-ci venait de s'adresser à lui, il lui promettait des retrouvailles, ce ne fut que d'un léger signe de tête que Yûta marqua son attention partiellement offerte. A dire vrai, il était concentré sur des questions qui tournaient en rond dans sa petite caboche : Qui était cet homme ? De quel clan parlait-il ? Pourquoi était-il si présomptueux ? Son clan était-il aussi fort qu'il le sous entendait ou sous estimait-il ses adversaires, notamment Yûteki ? Et quelle était cette histoire de ne pas être Utsuwa ? S'il n'en était pas, qu'était-il ? Il ne semblait pas être de la lignée des héritiers, et loin d'être un Ningyô, alors....

*Il ne viendrait pas de nous dire qu'il est Seii tout de même...*
et cette manière de dire "sur cette île" intriguait aussi Yûta qui ne voyait que deux origines à cet homme : un égaré venu des eaux ou un Seii... mais un clan de Seii ? Cela lui paraissait impossible, tout comme un clan d'égarés.... Il y avait bien des mystères à soulever de ce côté là et l'Utsuwa y trouverait peut-être une réponse un jour... si elle venait à lui car il n'avait aucune intention de la chercher.

*Il ne s'est même pas présenté.* Songea-t-il alors que l'homme disparaissait dans la brise.

Le regard de Yûta glissa lentement sur le côté afin de croiser celui de Yûteki. Ce dernier l'observait avec intérêt, une certaine fierté s'émanait de sa personne. Le Héron se laissa gracieusement tomber au sol puis dans un souffle dit :
" Félicitation."
Un petit mot laissé comme cela. Peut-être était-ce pour faire plaisir au Paon, peut-être était-ce parce qu'il le pensait sincèrement mais si tel était le cas, de quoi le félicitait-il ? Était-ce d'être arrivé en premier auprès de la proie ? Était-ce d'avoir su garder son calme face aux dires de celle-ci ou bien était-ce d'avoir réussi un tour qu'il avait voulu faire et dont Yûta n'était même pas réellement au courant ? Le jeune homme n'en savait rien lui-même. A ce moment ce n'était qu'un mot qu'il avait lâché, parce qu'il en avait eu envie, parce qu'il avait senti que c'était le bon moment pour le dire.
Avant que le jeune homme ne puisse relever cette parole, il ajouta calmement :

"Maintenant que tu es plus posé, Yûteki, je vais en profiter pour te parler sérieusement."
Son regard qui observait à l'instant le ciel, se baissa pour trouver celui de son rival, donnant plus de poids aux paroles qui suivirent.
"J'ai une faveur à te demander."

Aux pieds de son éternel rival, Yûteki exultait de joie. Décidemment, cette journée serait marquée d'une pierre blanche: en plus d'avoir retrouvé son vieux camarade et fait sortir quelqu'un de ses gonds, l'utsuwa pouvait se féliciter d'avoir reçu un éloge de la part de Yûta. Même s'il avait pris ce simple mot comme un sous-entendu lourd de reproches sur le moment.

Raaaah! Qu'il est difficile de décrypter les émotions de quelqu'un qui fait tout pour paraître insensible, jusqu'au son de sa voix. Mais Yûta savait être cynique quand il le fallait, et dans ces moments, Yûteki savait relever ses remarques. Mais là, le gladiateur n'était pas sûr de la signification de sa remarque.
Il se contenta juste d'afficher son sourire égal de chaton mignon, mais dont le faciès gardait sa joie impénétrable.

"Maintenant que tu es plus posé, Yûteki, je vais en profiter pour te parler sérieusement."

Dans son for intérieur, Yûteki pouffa de rire.

*"Sérieusement"? ça ne va pas changer aux habitudes: tu as toujours l'air sérieux !*

Mais si son vieux compagnon s'était décidé à dépasser les limites de la sériosité, l'utsuwa à la tignasse blanche n'allait rater ça pour rien au monde. Il se mit à tendre d'autant plus l'oreille. Mais s'il était si concentré sur le moment, Yûteki ne s'était pas attendu à entendre cette phrase de la bouche de Yûta:

"J'ai une faveur à te demander."

Un court silence s'installa. Silence que Yûteki laissa s'étendre pendant vingt bonnes secondes. Tout son être s'était figé, même son regard bienveillant restait encré dans celui de Yûta, le sourire béat en option.
Seules ses épaules s'étaient crispées.
C'est alors qu'il bondit littéralement. Une violente poussée sur le sol et le Paon se retrouva de nouveau debout sur ses deux jambes, riant à gorge déployée.
Son rire cristallin de petit enfant résonna dans la forêt, tandis qu'il tourbillonnait littéralement autour de Yûta. Ses pas ressemblaient à ceux d'une valse chaloupée qui suivait le rythme d'une musique que seul lui paraissait entendre.
Une fois dans le dos de son vieil am.... 'amarade... vieux camarade, il enroula ses bras autour de son cou. Mais pour une fois, son geste n'avait rien d'agressif, au contraire.
Dans une attitude parfaitement détendue et sur un ton de légère camaraderie, Yûteki déposa son menton au creux de l'épaule de son piaf préféré et lui sussurra d'une voix de miel à l'oreille...

-Oh ! Mais tu sais que tu peux tout me demander !
Pas sûr que je réalise tous tes désirs, mais j'aurais au moins le plaisir de te refuser mon aide !
Je t'écoute, vieux frère.

De la chaleur, un corps contre le sien, deux bras autours de son cou, un menton dans le creux de son épaule, ce contact tout à fait inattendu lui rappelait douloureusement la présence d'une autre personne. Cela l'attristait mais cela ne l'empêcha pas de savourer silencieusement cet instant conscient qu'il ne durerait pas. Les paroles à son oreille manquèrent de le faire sourire mais il sut se retenir et les approuva d'un léger signe de tête. Évidemment, il pouvait lui demander tout ce qu'il désirait mais ceci était particulièrement désagréable pour lui de devoir le faire. Il avait l'impression de présenter sa tête à son rival, de lui laisser le choix entre le tuer, le faire souffrir ou satisfaire sa faveur. Une faveur, ce qui revenait à dire qu'il lui était redevable, d'une façon ou d'une autre et quelque chose lui soufflait que Yûteki saurait lui rappeler à un moment ou à un autre.

*Pour lui, c'est comme une petite victoire sur moi, non?* Songeait Yûta en se remémorant la petite danse qu'il avait eu le loisir d'admirer un instant plus tôt. Il entendait encore le rire du paon, il le voyait encore tourner autours de lui avant de se laisser tomber derrière lui pour l'enlacer et puis voilà, tout y était : la danse de la victoire... sans compter cette voix mielleuse... Un léger frisson parcourut sa chair.

Devoir prononcer ces mots avaient été si durs. Il s'y était pourtant préparé mais toute préparation était futile face à une telle épreuve. Il ne pouvait que vivre le moment, endurer le moment et se souvenir du moment. Yûta soupira silencieusement. Il déglutit, cherchant la phrase à formuler, il ne savait toujours pas laquelle prononcer. Depuis des jours qu'il cherchait les mots exacts, il ne parvenait pas à les trouver. Le silence régnait. Il sentait le souffle de son camarade dans son cou, un brin de curiosité et d'excitation brillait peut-être dans son regard ? De cette position Yûta ne pouvait pas le voir mais il avait ce pressentiment, étrange, d'avoir toute l'attention de ce cher petit turbulent.

*Vieux frère... Affectif seulement quand il ressent un intérêt pour la situation, hein.*
Yûta ferma les yeux. Son visage laissait toujours apparaître ces éternels traits sereins. Son petit sourire en coin, presque imperceptible, était toujours présent. Il ne laissait nullement trahir son trouble intérieure, son angoisse face à la situation à venir, son désespoir face aux mots qu'il devait prononcer. Il était mal à l'aise, jamais il n'avait eu à réclamer quoi que ce soit de Yûteki, jamais une telle idée ne lui serait venue à l'esprit auparavant et voilà qu'il se retrouvait face à cette situation avec un Yûteki qui s'en amusait. Était-ce doux de le torturer psychologiquement ?
Yûta maudissait le Paon d'être ainsi mais il le chérissait en même temps.

" Soit mon messager, Yûteki."
Il se tut après ces paroles soufflées à mi voix. Les penser, les prononcer était difficile mais les entendre de sa propre voix l'était dotant plus. Il s'était presque laissé aller à ses sentiments, manquant de trahir la difficulté qu'il avait à se livrer mais il savait se ressaisir très vite ainsi il poursuivit sur un ton plus détaché : ordinaire.

"Informe ta maîtresse, Nightspear Saura, de mon retour. Dis lui aussi que je sollicite une entrevue avec sa grandeur."
Yûta marqua un bref silence. Il ferma les yeux et baissa la tête. Il songeait à sa requête. Il se sentait misérable. Oh, bien sur, il aurait pu se rendre de lui-même auprès de l'Akuyô. Il aurait pu aller lui parler directement car après tout il connaissait bien la demeure des Nightspear. Il en avait fait parti. Seulement il voulait suivre les politesses, espérant que cela attirerait plus l'attention de la dame d'une quelconque manière.
"Veux-tu bien le faire pour moi, Yûteki ?"
Ses paroles furent accompagnées d'un geste inhabituel : sa main trouva celle de son compagnon qu'il serra légèrement, le pressant pour une réponse.

*Quelle étrange douleur.*

Prononcé de sa bouche, le nom de Saura Nightspear provoqua chez Yûteki un frisson qu'il avait rarement éprouvé. Les muscles de son corps se bandèrent à la seule évocation du nom de sa maîtresse, rappelant à lui des souvenirs, des sensations et des affres de tortures plaisantes...
Il ferma doucement les yeux et chercha à se rappeler l'odeur des braises mélée à l'humidité et à la moisissure de son cachot. Cette réminiscence lui procura un agréable bien-être. Cela faisait longtemps que sa princesse ne s'était pas amusé avec lui...

*Je trouverais bien un vase à briser "accidentellement"... Cela mérite bien une petite séance de torture punitive.*

Il rouvrit les yeux et ses sens le ramenèrent à la situation présente. Il se détacha lentement de Yûta, rompant le contact insistant de sa main contre la sienne.
L'utsuwa lui tourna le dos, savourant silencieusement le silence qui s'installait. Il fit rouler les syllabes du nom de sa propriétaire, réflechissant à l'endroit où elle pouvait se trouver actuellement.
Le soleil était encore haut dans le ciel. Elle devait probablement se mettre à fréquenter le grand monde, ou peut-être était-elle tout simplement partit se trouver quelques larbins à torturer. Il n'y avait qu'une chance sur deux pour qu'elle soit encore à la demeure, ce serait surement le premier endroit où Yûteki irait la chercher.

Son attention se reporta sur son rival.

-Je pense pouvoir faire ça...

Même si l'idée de rendre un service à son vieux compagnon le démangeait sévère, il n'allait pas râter une occasion de se retrouver avec sa maîtresse. Ce serait une bonne excuse pour la voir et la cottoyer de près.

-Cependant... Je ne vais pas aller la déranger pour rien. Et je ne pense pas qu'elle ira perdre son temps avec l'utsuwa de son frère juste pour raconter des banalités. Il faut au moins une bonne raison derrière cette entrevue.

Yûteki esquissa un léger sourire.

-Donne-moi au moins la raison de cette entrevue, que je puisse lui faire passer le mot et éveiller sa curiosité. C'est juste un conseil.

Mais derrière ce simple conseil, Yûteki cherchait surtout à connaître la raison pour laquelle Yûta souhaitait rencontrer sa maîtresse. Pas vraiment par curiosité, les affaires de sa maîtresse ne le concernaient pas, ou alors très peu, mais il agissait surtout par instinct de surprotection. Si sa princesse risquait quoi que ce soit, il s'en voudrait d'avoir été le messager de ce possible danger.
Mais Yûteki savait également qu'il ne pourrait pas faire parler Yûta de force. Autant qu'il divulgue un maximum d'informations par lui-même.
Peut-être était-ce en rapport avec son retour après trois ans d'absence? Après tout, la famille Nightspear n'avait pas eu de nouvelles de l'aîné de la dynastie et Saura ne semblait pas beaucoup s'en soucier. Peut-être le maître de Yûta souhaitait entrer en contact avec Saura?

*Une lettre aurait été suffisant... Et puis, les membres de la famille Nightspear peuvent à tout moment séjourner dans la maison familiale, même si son Altesse Saura en est l'unique maîtresse depuis la mort de sa mère et le départ inexpliqué de son frère ainé...*

Dans son éternel recherche d'informations, Yûteki chercha à décrypter le faciès de Yûta, comme si la réponse pouvait étre écrite sur son visage... qui, après reflexion, ne possédait pas un large éventail d'expressions. Damn !

Ce n'était peut-être pas une bonne idée. Ce n'était peut-être pas la bonne solution. Il avait peut-être fait le mauvais choix, était-ce une erreur qu'il était entrain de commettre ? Le doute s'installait en lui alors que son cher rival faisait durer le silence. Yûta ne connaissait pas la raison de ce silence, Yûteki était-il entrain de voter le pour ou le contre ? Cherchait-il une bonne raison à lui accorder cette faveur ? Et lui, tenait-il vraiment à cette faveur ? Jusqu'à cet instant cela lui semblait capital. Il avait voulu jusqu'à présent voir Saura, soeur chérie de son maître, mais maintenant il hésitait. Il repensait à ce qu'il avait voulu lui demander et il s'interrogeait. Était-ce vraiment ainsi qu'il fallait procéder ? La dame n'accordait aucune importance aux serviteurs, ils n'étaient que des divertissements alors lui demander une entrevue pour...

"Je pense pouvoir faire ça..."
Ah, il venait d'obtenir une réponse positive à sa demande. Il resta silencieux, réfléchissant à la suite. Maintenant qu'allait-il faire ? Il ne pouvait pas revenir sur ses paroles, le pouvait-il ? Après tout, ce n'était que Yûteki, il n'y aurait aucun mal à lui avoir fait perdre son temps, au pire, il pourrait toujours y trouver une excuse comme si cette demande n'était qu'un test, un nouveau jeu qu'il avait développé pour analyser le comportement de ce piaf mais
*C'est un peu lamentable comme explication...*
Yûta écouta les nouvelles paroles de Yûteki. Il était vraiment gêné maintenant. Ce maudit paon venait de lui demander une raison. Une raison afin d'attiser la curiosité, l'intérêt de sa maîtresse. Oh, bien sur il en avait des raisons mais il était hésitant sur ce qu'il voulait vraiment.
*Ce que je veux n'aura aucune importance à ses yeux...*
Alors il devait faire le bon choix s'il voulait que tout se passe correctement. S'il se présentait à Saura, elle saurait qu'il était le Héron et selon ce qu'il voulait faire après, il redeviendrait le Héron, il reprendrait sa vie telle qu'elle avait été avec un petit changement : son maître. Sinon, il pouvait aussi ne pas se présenter, laisser Yûteki lui porter un message anonyme. A ce moment là il serait mort et il aurait le loisir de recommencer sa vie, sous un nouveau nom, une nouvelle réputation. Recommencer à zéro, tout effacer, ne pas toucher à la légende qui avait été et en créée une nouvelle s'il le fallait.
*Non, je n'ai pas le droit de me tuer.*

Le silence pesait un peu. Yûta sentait le regard de son compagnon parcourir son visage. Sans doute celui-ci cherchait il une réponse ? Il pouvait toujours essayer, il n'y parviendrait jamais. L'Utsuwa ne permettrait à personne de le connaître. Il ne permettrait jamais à Yûteki de voir le doute qui vivait en lui, la douce torture qui le faisait souffrir, la passion qui l'animait. Jamais.
Il serait cette éternelle coquille vide.
*Je n'ai pas à choisir.*
Yûta se leva calmement, prenant légèrement appuie sur Yûyake.

"Yûteki, ta maîtresse est-elle toujours aussi friande des belles choses ? Si c'est le cas, j'ai la possibilité de lui en offrir plus encore."
Il marqua une courte pause.
"Cela te suffit-il comme raison ?"

Yûteki crissa des dents.

-Elle l'est toujours autant, c'est toujours ça qui ne changera pas chez elle.

Si ce côté de sa personnalité n'était pas près de changer, il en serait de même de son ambition. Il y aura toujours quelque chose qu'elle souhaitera posséder, et plus le temps passera et plus ses désirs seront énormes.

Non. La réponse de Yûta ne lui convenait pas, loin de là. Est-ce que cette autruche imaginait vraiment que sa requête serait accepté avec ceci pour seul excuse. Il n'avait plus cottoyé l'étiquette et le mode de vie des Nightspear depuis trop longtemps.

L'Utsuwa aurait au moins voulu en savoir un peu plus, mais si Yûta avait répondu ainsi, il n'y aurait certainement rien de plus à dire. Mais même si l'utsuwa aux cheveux blancs n'était pas satisfait de cette réponse, il ne s'attendait pas à ce que sa maîtresse daigne l'écouter bien longtemps avec un tel message.

*Lui offrir plus que de belles choses?...*

C'était comme promettre la plus belle des choses à une ménagère et ensuite lui révéler que ce trésor n'était autre qu'un aspirateur dernier cri... Décevant quoi...
Le gladiateur n'allait certainement pas risquer une telle situation.
Yûteki aurait mis sa main à couper que Saura avorterait cette entrevue juste en entendant un tel message de la part de Yûta.
C'est avec un sourire crispé que Yûteki tenta de faire un ultime effort pour convaincre son homologue. Il cherchait surtout à lui faire comprendre que sa maîtresse ne chercherait pas à le recevoir si Yûta ne se montrait pas plus... commercial.

-Tu n'as rien de plus croustillant? Quelque chose qui pourrait, au moins, éveiller son interêt? Fais un effort, je le fais pour toi.

Donnez leur la main, ils vous prendront le bras.
Yûta avait du mal à trouver les mots, ceux qui le sauverait de cette situation. Il ne voulait pas s'attarder, il savait que si tout cela durait il finirait par se trahir. Le contrôle de soi avait ses limites et s'il savait se contrôler, il pouvait aussi déraper. Après tout, il n'était qu'un humain pas une machine, pas un être vide... pas autant qu'il aimait se le faire croire en tout cas. Pour les autres il y parvenait mais pour lui, il voyait encore tous ces sentiments qu'il possédait, toutes ces hésitations, tous ces doutes, toutes ces joies, peines et souffrances. Mais il ne parvenait pas à s'imaginer sans. S'il ne ressentait rien, n'était-ce pas comme être mort ? Même quand il obéissait, même quand il parlait, il y avait certainement quelque chose qui motivait ses actions mais il ne savait seulement pas encore quoi.
*Ou je préfère ne pas le savoir.*

Yûta regardait son compagnon. Il s'interrogeait. Que pouvait-il ajouter pour que son message soit plus intéressant ? La dame n'était vraiment pas facile à approcher, si seulement elle avait été plus intéressée par le sort de son frère, cela aurait été plus simple. Elle aurait accepté de le voir juste pour le questionner sur la santé de Seiichi mais si Yûteki voulait à ce point obtenir d'autres informations, cela signifiait qu'elle n'avait pas accordé plus d'importance que cela à la disparition soudaine de son aîné. Quel dommage.

L'Utsuwa ayant baissé la tête et fermé les yeux, la releva. Il croisa le regard de Yûteki. Il le fixa longuement puis finalement il explosa de rire, le doigt pointé vers le Paon. Il se moquait de lui, ouvertement.
"J'arrive pas à y croire ! Tu m'as vraiment pris au sérieux !"
*Je suis un lâche.*
Yûta baissa la tête. Il continuait de rire plus calmement.
"Je le fais pour toi, Excellent ! J'arrive à te faire dire n'importe quoi, hein !"
*Je fuis, encore*
Il reprit petit à petit son calme, redevenant sérieux en un rien de temps.
"Mon pauvre Paon, t'ai-je frappé si fort au point de te faire perdre la raison?"
Yûta se trouvait dans le dos de son opposant. Il lui souffla au creux de l'oreille :
"Comment as-tu pu croire que moi, le Héron, je puisse avoir besoin d'une faveur d'un éternel second comme toi ?"
*Sourire, mentir, faire semblant. Tout ce que je sais si bien faire. Suis-je sincère ? Ne le suis-je pas ? Parfois, je ne le sais plus moi même.*

Yûta s'était éloigné d'un bond. Il ne voulait permettre aucune attaque, aucune réplique. Son visage était redevenu serein, son petit sourire toujours en coin de lèvres. Seul son oeil d'argent brillait d'un air de provocation alors qu'il fixait Yûteki droit dans les yeux.
"Pauvre Paon..."
Il baissa la tête et ferma les yeux.
*Trois ans à rattraper. Aller Yûteki, réagis. Tu t'es fais avoir, tu ne vas pas laisser passer cela quand même ! Réagis !*
Yûta attendait une réaction. Il se tenait prêt à combattre, à reprendre leur duel.

Un brin embrumé par le ton hautain et moqueur de Yûta, Yûteki se figea un très bref instant. Ce fut comme si le monde l'écrasait de tout le poids de la réalité.

*Quoi?...*

Il s'était fait berner? Yûta avait volontairement joué cette petite scenette tout du long juste pour... juste pour se moquer de lui?

Le premier réflexe de Yûteki fut de tirer au clair son éventail offensif.

Rien ne lui déplaisait plus que d'être le sujet de moquerie. Et surtout lorsqu'il s'était fait clairement manipulé. Rien n'était pire. Le ridicule ne tue pas, mais il donne des envies meurtrières...
Impulsif comme il était, le sang lui montait très vite à la tête. Et avec l'adrénaline, venait cette envie de meurtre. Plus rapide qu'il ne l'avait jamais été, Yûteki avait bondi dans la direction de son rival, les yeux aveuglés par la colère.
Les lames de son éventail ne réclamait qu'un seul tribut, celui du sang, et il n'était même pas sûr que cela suffise pour calmer la fureur de ce volcan. Mais au moins cela le soulagerait de plus entendre le rire à gorge déployé de Yûta.

*Attends un instant...*

A quelques pas de Yûta, le paon ralentit brusquement. Le mécanisme de rétraction des lames de son éventail tinta de son chant métallique et les petits poignards disparurent presque aussitôt. Seul un délicieux zéphyr vint caresser le visage de Yûta, à défaut de lames acérées sur sa peau.

Yûteki explosa à son tour d'un rire. Mais un rire dépourvu de joie. Sa manière de dire Eurêka en quelque sorte.

*Yûta ne laisserait jamais aucune émotion transparaître sur son visage en temps normal. Il savait être sarcastique, ironique, ou même blessant, sans avoir à montrer une telle expressivité...*

En définitive, le rire de Yûta n'était pas normal. Il n'aurait pas dû être capable d'exprimer une telle joie, même aussi malveillante était-elle. S'il y avait une seule comédie qu'il jouait, c'était son rire. Quel mauvais acteur décidemment...

-Très bien, je vais faire passer ton message.

C'était Yûteki après tout: il était passé dans l'art de la digression depuis longtemps. Changer d'attitude en quelques secondes était devenu sa fierté. Même si sa colère ne s'était pas totalement effacée, il cherchait tout de même à éponger l'animosité qui courait encore dans ses veines.

-Où pourrai-je te retrouver si ma maîtresse donne une réponse positive à cette entrevue?